Fables : Illustrées par des maîtres de l'estampe japonaise
de Jean de La Fontaine

critiqué par Débézed, le 26 octobre 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
La fable et l'estampe
« Quand le Japon, après deux siècles de rigoureux enfermement sur lui-même, s’ouvrit enfin au monde en 1854, l’Occident vit peu à peu apparaître - … - un art qu’il ne connaissait quasiment pas, celui des estampes de l’ukiyo-e, « images d’un monde flottant », c’est-à-dire éphémère ». Vers la fin du XIX° siècle quand l’empereur eut repris son pouvoir confisqué pendant de longues années par le shôgun, et ouvert son pays au monde, Hasagawa Takejirô fit traduire des contes japonais pour qu’ils se vendent mieux à l’étranger. Il avait aussi le projet d’exporter des estampes japonaises en Occident et pour la France, il confia à Pierre Barboutau, un Français qui séjourna longtemps au Japon, le soin de réaliser un ouvrage illustré d’estampes japonaises. L’objectif premier de cette publication était de faire connaître l’art de l’estampe si peu répandu en Occident et les plus grands maîtres ce genre pictural : Sesshû, les Kamô, les Kôrin puis les Okia, les Utamaro, … parfaitement méconnus en ces contrées.

Barboutau a choisi de proposer aux artistes nippons d’illustrer des fables de La Fontaine sans qu’aujourd’hui encore on connaisse les raisons de son choix. On sait seulement comment il a sélectionné celles qu’il leur a proposées « Le choix des fables de La Fontaine que nous offrons au public, est surtout basé sur la plus ou moins grande difficulté que nous avons rencontrée à traduire le sens de ces fables aux artistes Japonais ». il semblerait que les estampeurs japonais n’aient pas eu accès à la traduction des fables et que leur choix est plutôt fondé sur la connaissance qu’ils ont de certains animaux très présents dans la mythologie et les légendes nipponnes : le renard, la grenouille, le rat, … dont ils connaissent bien le caractère et les caractéristiques qui leur sont attachées.

Ce recueil fut donc édité en 1894, une seconde édition fut publiée la même année et une nouvelle en 1904, c’est celle qui a servi de modèle pour cette édition présentée à l’occasion de la rentrée littéraire de l’automne 2019. C’est un ouvrage absolument magnifique comportant une trentaine de fables pour certaines très connues du grand public – celles qu’on apprend en général sur les bancs de l’école, du moins quand je la fréquentais -, pour d’autres moins et pour d’autres encore absolument pas ; le choix ayant été fait, comme je l’ai dit ci-dessus, par la capacité des illustrateurs à comprendre les desseins de l’auteur. Chacune des fables est accompagnée d’un estampe pleine page ou sur double page où les sujets de la fable illustrée sont toujours bien en évidence dans un paysage souvent très épuré aux couleurs pastel comme on en voit souvent dans les estampes japonaises. Ces illustrations dégagent un sentiment de paix, de quiétude, de sérénité que les personnages de La Fontaine semblent venir perturber.

C’est un superbe travail éditorial réalisé par les équipes de Philippe Picquier, un véritable ouvrage de collection, mais aussi une occasion de contempler et même, pour certains, de découvrir les estampes japonaises. Et, je suis sûr que les nombreux admirateurs de l’art pictural prendront, tout comme moi, un grand plaisir à redécouvrir, ou tout bonnement découvrir, ces tout aussi magnifique fables de Jean de La Fontaine. Un ouvrage à ranger dans le rayon où l’on serre les livres qu’on ne voudrait pas que des mains inexpertes manipulent au risque de les abîmer.