La Défense d'aimer
de Domitille Marbeau Funck-Brentano

critiqué par Francois Martini, le 14 octobre 2019
( - 70 ans)


La note:  étoiles
Amours festives


En 1978, la jeune Domitille obtient enfin une série de billets pour le festival de Bayreuth. « On va à Bayreuth comme on veut, à pied, à cheval, en voiture, à bicyclette, en chemin de fer, et le vrai pèlerin devrait y aller à genoux. Mais la voie la plus pratique, au moins pour les Français, c’est le chemin de fer. » a écrit Albert Lavignac. Domitille se rend donc à Bayreuth en train. En guise de prologue, elle nous fait voir Heidelberg à l’aube, c’est comme un rituel de plongée dans le monde germanique.



Mais, voilà… en 1978, on ne va pas à Bayreuth tant pour écouter Wagner que pour admirer les audaces de Patrice Chéreau. Et puis, c’est les vacances. Bayreuth est un festival autant qu’un pèlerinage. On monte au théâtre, qui est sur la colline, on entre au rappel des trompettes, on s’encanaille à la saucisse à l’entr’acte, et tout un rituel se déroule sur une semaine, avec ses soirées de spectacle et ses jours sans.



Les aficionados de Bayreuth sont une gentille secte un peu frappadingue, mais très distinguée. On y retrouve quelques artistes, dont un chef d’orchestre ami, sa femme, et Domitille joue à la souris avec un grand chat qui n’est autre qu’un écrivain célèbre qui, d’ailleurs, plus tard écrira un beau roman sur, justement, le festival de Bayreuth au temps de Chéreau.



La Défense d’aimer (le titre est celui d’un opéra de jeunesse de Wagner, qu’on ne joue justement pas à Bayreuth) est un récit tout simple et charmant d’une amourette estivale que notre jeune voyageuse vit pendant ces quelques jours de folie festivalière. Elle résiste, l’écrivain la séduit, elle ne résiste plus, nous visitons Bayreuth et les environs en leur compagnie. L’extase musicale se mêle à l’amour naissant, nous sommes en plein romantisme ; les amis prennent des noms de héros wagnériens, ce qui forme des couples étranges, qui n’existent pas dans l’opéra.



Ayant été moi-même au festival de Bayreuth, je ne sais pas trop si l’auteur n’a pas négligé le lecteur ignorant des rituels wagnériens. Mais c’est dépaysant. Le seul anticonformisme vient de la mise en scène de Chéreau, qui resta comme un évènement important de l’histoire du théâtre des festivals et de la mise en scène d’opéra. Comme les amours de vacances ne doivent pas durer, chacun le sait, l’aventure s’achève à la fin de la série de représentations. Il ne nous reste plus qu’à lire Salue pour moi le monde, le roman que Pierre-Jean Rémy écrivit autour de la Tétralogie « de Chéreau », comme l’on dit, oubliant Wagner.



Un beau récit, qui ravira les bayreuthiens et les autres.