Pourquoi la pensée humaine EST inégalable ?
de Markus Gabriel

critiqué par Colen8, le 4 octobre 2019
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Question brûlante
La vieille Europe animée par des humanistes et des philosophes fait de la résistance à l’encontre des jeunes et riches créateurs de la Silicon Valley adeptes de l’utilitarisme plus que de raison quand il est question des capacités respectives de deux intelligences. Une sorte de défi est lancé par l’intelligence artificielle (IA) constituée d’algorithmes programmés aussi puissants et auto-apprenants soient-il à l’intelligence définie par la pensée, la conscience de soi, le besoin de connaître et de comprendre, la seconde reconnue comme ayant extrait l’humanité du stade animal.
Pour commencer il y a confusion sur l’acception de « l’intelligence ». Pour Markus Gabriel ce jeune philosophe allemand armé de solides connaissances scientifiques, celle-ci ne peut exister sans la présence d’un substrat biologique dont elle s’est émancipée au fil du temps par les relations sociales, la transmission, la culture tandis que les adeptes de la mutation en cours induite par le numérique ne voient aucun obstacle à la simulation d’un système de pensée dépassant le nôtre à tous égards, y compris sur le plan des valeurs morales, et ce quel qu’en soit le support.
La pensée serait d’abord un sens, une propriété sensorielle comme le toucher, la vue etc. en même temps qu’elle chercherait le sens du monde à partir des faits observés empiriquement. Partant de là Markus Gabriel(1) vous entraîne à naviguer avec virtuosité à travers les méandres d’une série impressionnante de concepts et de théories philosophiques depuis Platon et Aristote jusqu’au Nouveau réalisme récent. Les systèmes logiques de Boole et de Frege au XIXe siècle dont l’informatique a hérité y figurent en bonne place.
Le style très direct est constamment émaillé de références, de citations, d’exemples du quotidien certains même personnels, de rappels étymologiques grecs et latins, souvent aussi des termes allemands pour éviter toute erreur d’interprétation. La traduction du titre original(2) a néanmoins un côté provocateur car le contenu a surtout à voir avec la pensée proprement dite, l’IA n’en étant pas le thème principal sauf dans la conclusion qui met en garde contre la menace réelle d’autodestruction de l’humanité ou pire de la vie tout court.
(1) et ses excellents traducteurs.
(2) Der Sinn des Denkens, autrement dit : Le sens de la Pensée