Corto Maltese en Sibérie
de Hugo Pratt

critiqué par Kostog, le 23 septembre 2019
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Corto et l'or des tsars
La Première Guerre mondiale se termine en Europe mais en Sibérie, l'or des tsars est l'objet de toutes les convoitises. A Hong-Kong, Corto Maltese est engagé par les Lanternes Rouges, une secte chinoise, qui veut mettre la main sur l'or russe. Sa mission : s'emparer du train de l'Amiral Koltchak, qui transporte le trésor impérial depuis la mort du Tsar.

En chemin vers la Sibérie, Corto est confronté aux seigneurs de la guerre chinois, à une romantique duchesse russe, au lieutenant général Grigori Semenov et aux insurgés d'à peu près tous les bords. Il rencontre le fantasque baron von Ungern-Sternberg décidé à se forger un empire qu'il rêve aussi immense qu'il sera éphémère. Pour que tout soit encore plus complexe, l'inénarrable Raspoutine survient aux moments les plus inattendus et la ravissante et implacable Shanghai Lil est là pour veiller au succès de sa cause...

L'album Corto Maltese en Sibérie représente à mes yeux l'apogée de l'art d'Hugo Pratt. Celui-ci s'était probablement imprégné d'Ungern, le Baron fou de Jean Mabire, héros qu'il met en scène d'une manière qui marquera durablement ses lecteurs.

Le gentilhomme aventurier survole en homme libre, rétif à tout embrigadement, une mêlée où bandits de tout acabit, Russes blancs, bolchéviques rouges, Chinois, Japonais, Mongols essaient de prendre la main. Il ne manque pas même les Américains dans ce jeu de quilles. Les rebondissements sont incessants; les cases passant du style le plus réaliste à l'onirisme le plus romantique. Le dessin de Pratt épouse ces changements narratifs, capable aussi bien du plus grand souci du détail, comme ces trains blindés qui circulent sur ce front mouvant, que d'une légèreté de traits qui soit accélère l'action, ou place le récit dans une atmosphère poétique.

Avec Corto, l'action et l'Histoire côtoient constamment la poésie, non pas simplement parce que quelques vers de Rimbaud ou d'un poète argentin illuminent des cases mais grâce au génie de Pratt qui sait empreindre de nostalgie et de beauté l'aventure la plus échevelée. Un chef d'oeuvre.