Le pisseux
de Damienne Lecat

critiqué par Pascale Ew., le 19 septembre 2019
( - 57 ans)


La note:  étoiles
Un régal !
Eric est un quinqua aigri et solitaire. Il vit reclus dans son appartement à Bruxelles, écrivant des chroniques économiques pendant que sa grande sœur Anne s’occupe de son linge et de ses repas. Sa tranquillité est brisée un beau jour où une nouvelle voisine débarque dans l’appartement d’en face. Elle passe outre sa mauvaise humeur et sa méchanceté pour se présenter, lui demander de menus services et cela l’exaspère. Mais rien de semble décourager Prune, une jeune femme pétillante de vie.
Le lecteur va découvrir petit-à-petit l’enfance d’Eric, pour mieux comprendre ce qui a transformé ce gentil garçon en un homme odieux. A huit ans, sa maman est décédée et il a hérité d’une belle-mère qui ne supporte pas les deux mioches qui lui tombent sur les bras.Sa belle-mère le néglige, le punit, etc. tandis que le père reste aveugle face à ces mauvais traitements.
Ce roman m’a enchantée et déconcertée à la fois pour sa fin inattendue. L’auteur semble changer de registre du tout au tout pour nous surprendre : d’un roman plutôt psychologique, on bascule dans... (je ne dirai rien pour ne pas gâcher la surprise)
On s' y amuse beaucoup 8 étoiles

En alternance, la vie quotidienne d’Eric, habitant de Woluwé-St-Lambert (Bruxelles). Le gamin, perturbé par une « nouvelle maman » dite « la Belle-doche », qu’il déteste, et des «pipis au lit ». Le même, 60 ans plus tard, haut-spécialiste en économie mondiale et franchement misanthrope. La sœur Anne, d’Éric, joue un rôle majeur dans ce récit rocambolesque où l’on s’amuse beaucoup.

Extrait :
Il s’était renseigné pour ne pas se manquer. L’eau doit rester chaude, sinon le sang coagule et les plaies se bouchent ; un filet s’écoule donc du robinet et le trop-plein avale le surplus dans un glougloutement discret. Il ne lui reste plus qu’à attendre. Bientôt il devrait tomber inconscient. Puis mourir, définitivement.
(…)
Son cœur a ralenti, il ne le sent presque plus battre. Un battement. Un autre. Encore un, faible. Il va s’arrêter de respirer. Depuis longtemps, il ne s’est plus senti aussi bien, détendu, serein, plein. Il n’a pas peur, il fuit. Il s’enfonce et flotte en même temps, léger déjà, désincarné. Ce ne peut être mieux après.

Catinus - Liège - 73 ans - 13 février 2023


coup de coeur 10 étoiles

Ce très beau roman est dans la sélection du prix des lycéens belges, l'occasion de le sortir de ma PAL dans laquelle il est resté trop longtemps.

C'est l'histoire d'Eric, aujourd'hui au milieu de la cinquantaine mais aussi en parallèle on découvre l'histoire du petit garçon qu'il a été, de son enfance qui l'a amené à être l'homme qu'il est devenu aujourd'hui.

Eric est journaliste économique, un expert de renommée qui travaille sous pseudo. Une particularité, il ne sort jamais de chez lui, de ses habitudes, de ses rituels, de ses odeurs. Il est enfermé dans sa bulle, dans son appartement au rez-de-chaussée d'un immeuble dont il ne sort jamais.

Seule sa soeur Anne, vient chaque semaine lui apporter ce dont il a besoin. Elle a toujours été là pour lui, toujours. Déjà enfant, Anne veillait sur lui, l'enfant fragile.

Faut dire que la vie n'a pas toujours été tendre avec lui, une maman aimante qui disparait lorsqu'il a 4 ans remplacée par Irène; sa belle-mère, la belle doche - salope comme il l'appelle. C'est qu'elle lui en a fait baver celle-là, le maltraitant moralement en le surnommant "le pisseux" mais aussi physiquement.

Il se souvient des humiliations, des frustrations lorsqu'il se retrouvait seul dans le noir dans le garage trainant son pyjama et ses draps... sans que son père ne se préoccupe de lui..

Il y aura trois femmes dans sa vie, trois lâcheuses, sa mère, sa belle-doche et tante Catherine. Aucune sur qui compter vraiment, la seule c'est Anne sa grande-soeur qui a promis à sa maman, encore enfant à l'âge de sept ans de toujours veiller sur lui quoi qu'il arrive.

Aujourd'hui elle est encore là lorsque Prune s'installa dans l'appartement jouxtant celui d'Eric. La communication est difficile, Prune essaye d'établir le contact, de s'immiscer dans sa vie mais Eric est hermétique.

Peut-être que Zélie, une enfant de sept ans les rapprochera, créer une brèche dans sa carapace de vieil ours ? Sera-t-elle un train d'union entre eux ?

C'est une plume magnifique, délicate. Des mots bien choisis qui mettent en avant la psychologie du personnage. Eric, bourru, antipathique au possible qui devient au fil de la lecture de plus en plus touchant par l'empathie naissant de cette plume efficace qui nous entraîne au plus profond de l'âme d'Eric.

C'est un drame psychologique qui tient en haleine, chaque paragraphe distillant de nouveaux éléments de l'enfance d'Eric qui nous permettent de comprendre l'adulte qu'il est devenu et de découvrir deux personnalités si différentes, une introvertie à l'extrême, l'autre introvertie ?

Ma note de lecture : un coup de ♥

Les jolies phrases

Son coeur est sec comme celui d'un trader jouant sur le cours du blé sans se soucier des populations affamées.

Il échappe à cette vie creuse sans amour et sans but.

Un refuge pour femmes battues ! Comme si lui, il n'en avait pas besoin d'un refuge. Son appartement, c'est sa carapace, sa peau protectrice. Il se sent écorché vif comme un lièvre destiné à la casserole, vulnérable comme un escargot sans sa coquille.

Eric a commencé sa vie à la mort de la belle-doche. Avant, il n'existait pas. Trois femmes, trois lâcheuses : sa mère , la belle-doche, tante Catherine. A huuit ans, il n'attendait plus rien ni personne.

Il ne veut pas vivre ailleurs, ne peut pas vivre ailleurs. Il va dépérir. Il a besoin de sentir autour de lui la gangue de ses habitudes pour être à l'abri, de serrer ce corset protecteur pour maintenir droite la colonne vertébrale de sa vie.

Nathavh - - 60 ans - 14 août 2020