La Grande Supercherie Chretienne
de Théophile De Giraud

critiqué par Débézed, le 17 septembre 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Pour y croire
Théophile de Giraud est, selon son éditeur, l’un des principaux représentants actuels de l’antinatalisme en langue française. Il a fondé la fête des Non-Parents à Bruxelles. Pour étayer sa thèse, il a exploré les textes fondateurs de la religion chrétienne : Evangiles, Nouveau Testament, et certains écrits de Pères de l’Eglise. Il en a retiré ce petit recueil par lequel, il cherche à montrer que les premiers siècles de la chrétienté étaient parcourus par des courants antinatalistes profonds. Ces paroles extraites du Livre de Jérémie 20 :14-18 : « Maudit soit le jour où je suis né ! Le jour où ma mère m’enfanta, qu’il ne soit pas béni… », en sont une parfaite illustration qui n’est nullement isolée.

Il est remarquable de constater que ce livre sorte justement au moment où des mouvements de plus en plus actifs s’élèvent contre la surexploitation des ressources de la planète par une population de plus en plus nombreuse qu’il conviendrait peut-être de mieux contenir. Mais cette théorie n’a rien de nouveau, Kierkegaard sur lequel s’appuie beaucoup l’auteur écrivait déjà que la mission du Christ était de « … sauver notre espèce, cela veut dire : cette espèce est perdue, on en n’a que trop, il s’agit d’être sauvé en sortant de l’espèce, et par conséquent il faut commencer par faire barrage à notre espèce ». En clair, cela signifie que la population était déjà trop nombreuse et qu’il fallait en contrôler l’expansion.

Mais d’autres forces, a contrario, tendent aujourd’hui à favoriser le développement de la natalité et par là l’accroissement de la population, comme l’ouverture de la procréation à un plus large public par des avancées scientifiques et morales. Cette évolution de l’approche scientifique et morale de la procréation rejoint une théorie déjà en vigueur dans les premiers siècles de l’Eglise qui tend, comme l’écrit l’auteur, à démontrer que « … bénir la procréation permet d’accroître le nombre de « fidèles », d’autant qu’un couple « chrétien » qui fonde une famille nombreuse engendre autant de nouveaux croyants qui feront à leur tour, …, grossir exponentiellement le cheptel des soldats du Christ ». La théorie de l’accroissement démographique a donc toujours existé elle aussi.

Un courant antinataliste dont il est bien difficile d’évaluer la force, semble bien avoir parcouru les premiers siècles de l’Eglise mais pour juger de son importance, il conviendrait de tenir compte de toutes les traductions subies par les textes étudiés, du contexte historique dans lequel chaque texte a été écrit et de mettre chacun de ses écrits en rapport avec ceux qui apparemment les contredisent. Laissons cette tâche aux exégètes, historiens et spécialistes des questions religieuses. Pour ma part, j’ai toujours un peu eu le sentiment que parmi les premiers chrétiens, il y a eu des mouvements qu’on jugerait aujourd’hui extrémistes qui auraient proféré des thèses radicales et même parfois très apocalyptiques comme d’autres mouvements religieux ont pu le faire au cours des âges.

Théophile de Giraud a soulevé le couvercle de la marmite où un bouillon de culture religieuse mijote toujours à plus ou moins gros bouillon selon les époques, chacun y goutera et y trouvera les ingrédients qui conviendront le mieux à son goût mais personne ne restera indifférent en lisant ses lignes. Les féroces anticléricaux comme les fervents bigots, les antinatalistes comme ceux qui, comme moi, ont déjà peuplé généreusement leur arbre généalogique, trouveront matière à réflexion et peut-être que certains rejoindront l’auteur dans ces théories. « Le Salut est donc bien dans l’adhésion aux valeurs spirituelles, nullement dans l’enfantement ».