Miss Patchouli
de Tania Neuman-Ova

critiqué par Débézed, le 13 septembre 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Querelle générationnelle
Après une jeunesse tumultueuse, Lilou a eu trois filles avec deux maris différents, l’aînée restée avec son père avec laquelle elle vit en parfaite harmonie et les deux plus jeunes qui vivent encore dans le foyer familial avec leur mère et leur père. Alana la plus âgée des deux est très instable, elle inflige une vie infernale, au-delà même du supportable, à sa famille mais surtout à sa mère qui essaie de la protéger comme elle peut de tous les dangers dans lesquels elle sombre souvent de son simple fait. Elle est inapte à l’école, elle en change souvent sans grand succès, elle ne travaille pas, se laisse aller, choisit toujours les pires fréquentations jusqu’à vouloir entrer dans un gang, tâte de la drogue et du porno. Et chaque fois que sa mère essaie de parer au pire, la situation dégénère en un affrontement d’une extrême violence.

Pour supporter cet enfer, Lilou essaie de se remémorer sa jeunesse à elle, une jeunesse pas très brillante non plus, une jeunesse d’errance, de voyage sans but réel, sans moyens suffisants. Elle n’était, elle aussi, pas très stable, elle avait quitté l’école très tôt pour chercher des boulots qu’elle quittait très vite, tout aussi vite que les petits amis qu’elle séduisait et que les aventures qu’elle interrompait toujours en catastrophe faute de moyens financiers ou sous la menace d’un danger pressant. La venue au monde de son premier enfant, lui avait fait comprendre qu’il fallait qu’elle se stabilise, qu’elle donne un sens réel et concret à sa vie. Ses multiples expériences lui avaient tout de même apporté une certaine expérience dont elle voulait faire profiter sa filles qui, bien évidement refusait toute intrusion de ses parents dans ses aventures d’adolescente en quête de liberté et d’autonomie.

Tania Neumann-Ova raconte une histoire bouleversante qui ressemble peut-être à la sienne, une vie passée dans des couples décomposés, recomposés, déliquescents où l’amour, même s’il existe, n’arrive ni à s’exprimer ni à atteindre son objectif, seule la violence explose au grand jour avec une extrême virulence. C’est aussi, d’une certaine façon, un réquisitoire contre cette mode ambiante qui voudrait que chacun puisse avoir des enfants sans toujours penser à ce qu’ils deviendront quand ils seront plus grand ni comment ils accepteront leur naissance. La lutte qui oppose la mère et sa fille c’est aussi le choc des générations qui ne se rencontrent pas dans un univers technologique qui a très, trop, rapidement évolué, notamment les réseaux sociaux qui ont bouleversé l’univers des jeunes et peuvent devenir les armes les plus permissives.

Il ressort aussi de cette dramatique histoire la faiblesse quasi pathologique des protagonistes qui ne tirent aucune leçon de leurs mésaventures récurrentes. Elles sont toujours aussi peu persévérantes, aussi peu courageuses dans l’effort, aussi peu dégourdies, influençables, manipulables, prêtes à foncer tête baissée dans le premier traquenard ou à se laisser séduire par la pire des crapules. Elle me rappelle une camarade qui se plaignait d’être toujours embarquée dans des mésaventures ennuyeuses, je lui avais alors dit : « lorsque que tu as un ennui tu te dépêches de le découper en deux pour être sûre d’en avoir un pour le lendemain ». Lilou, Alana, aujourd’hui je pourrais peut-être vous dire la même chose mais il y a un non-dit dans cette histoire qui pourrait expliquer une bonne partie des problèmes que vous rencontrez, du genre de ceux qu’on pousse comme la poussière sous le tapis familial. Ce livre sera peut-être l’occasion de chasser cette poussière… ?