Voyage au bout de la révolution : De Pékin à Sochaux
de Claire Brière-Blanchet

critiqué par Romur, le 24 août 2019
(Viroflay - 51 ans)


La note:  étoiles
Confession d’une repentie
Le titre est évidemment inspiré de Voyage au bout de la nuit : voyage au bout de l’aveuglement, voyage au bout de la haine. Claire Brière-Blanchet livre en toute franchise, par touches personnelles, son parcours de militante.

Itinéraire d’une jeune fille de bonne famille choquée par un certain nombre d’injustices (notamment la guerre d’Algérie) et séduite à la fin des années 50 comme tant d’autres dans sa génération par l’aura que pouvait avoir le communisme ; séduite aussi par un jeune militant qu’elle épousera : Pierre Blanchet. Embrigadée dans la mouvance prolétarienne et plus particulièrement maoïste elle devient activiste convaincue au point de faire partie de ces privilégiés qui ont droit à une visite en Chine en 1967 pour découvrir les miracles de la Révolution culturelle. « Certaines visites nous firent tiquer sans pour autant entamer notre adhésion. » « Nous nous fîmes les instruments d'une propagande fanatisée, submergés par l'émerveillement qu'exercent la dictature et le crime pourvu qu'ils aient les séductions de la vertu »
Puis de retour en France chargée de préparer la révolution à Grenoble puis Sochaux. « Nous voulions détruire la culture européenne au nom d'une mythique culture populaire ! Et je crois hélas que nous avons passablement réussi ! » : Terrible confession de celle qui, jeune enseignante, faisait découvrir l’histoire et l’opéra à ses élèves et passera une période de sa vie dans un appartement sans livres parce que les ouvriers ne lisent pas.
Confrontée à la violence et l’injustice sociale de cette époque (foyer pour émigrés de Grenoble, logements ouvriers de Montbéliard…), poursuivie par la mauvaise conscience savamment entretenue par le Parti, elle sombre dans une autre violence, une autre haine, accepte le machisme, la vulgarité, la brutalité qui s’exercent à l’encontre des militants, subit les séances d’autocritique, cautionne les appels au meurtre contre les bourgeois et les juifs…
Avec la prise de conscience de ses errements la descente aux enfers se poursuivra sous une autre forme mais elle a trouvé la force de nous livrer son témoignage. A lire pour lui rendre hommage et se prémunir contre les séductions de la dictature et du crime.