L'âge de la colère : Une histoire du présent
de Pankaj Mishra

critiqué par Colen8, le 28 juin 2019
( - 83 ans)


La note:  étoiles
La marche en rond du Progrès depuis les Lumières
L’irruption de la modernité inaugurée par les Lumières a enfanté des contre-réactions qui n’ont cessé au cours des deux derniers siècles de se réactualiser dans l’anarchisme puis les totalitarismes, aujourd’hui les terrorismes qui fleurissent partout. L’islam loin de là n’est pas le seul vecteur de fanatisme radical, car l’hindouisme, le bouddhisme, le christianisme, le judaïsme en sont tout autant les porteurs. Hier c’était Rousseau fustigeant la superficialité hypocrite des aristocrates avec lesquels Voltaire le parvenu essayait de se fondre. Après la Révolution et les invasions napoléoniennes qui ont fait imploser le Saint Empire Germanique, le Romantisme allemand servi par ses grands écrivains a théorisé le nationalisme de la culture populaire et de la langue propre à chaque pays en réaction à l’idée de droits universels. Plus tard le nihilisme a justifié les soulèvements révolutionnaires qui se sont répandus sans frontières jusqu’à la prise de contrôle de Daech dont l’un des prédicateurs les plus influents n’était qu’un vulgaire proxénète sans foi ni loi.
Etonnamment fin connaisseur de l’histoire et de la pensée philosophique de l’Occident atlantique depuis les Lumières, mais aussi des cultures des autres continents aspirées comme par mimétisme par la domination des élites jugées corrompues, Pankaj Mishra souligne leurs incohérences entraînant au-delà de toute rationalité les violences destructrices, celles des deux conflits mondiaux et leur dizaines de millions de victimes, les guerres de décolonisation sans merci, les tueries de masse et autres barbaries sans nom. Cette modernité imposée à marche forcée aurait privé de repères une majeure partie de l’humanité, l’aurait réduite à se soumettre à un pouvoir abhorré ou à basculer dans son rejet absolu. Elle l’aurait laissé se débattre dans un monde matérialiste aux mains des groupes les plus arrogants captant à leur seul profit les richesses produites jusqu’à s’octroyer une supériorité sans partage. L’analyse fondée sur le ressentiment est pour le moins troublante.
Mention particulière à la qualité littéraire de cet essai d’un intellectuel indien écrivant en anglais, traduit par Dominique Vitalyos dont la vocation est de promouvoir la littérature asiatique en général et indienne en particulier.