Qui a tué Roger Ackroyd ?
de Pierre Bayard

critiqué par Ocenebres, le 22 juin 2004
(Liège - 68 ans)


La note:  étoiles
Un autre regard
Est-ce vraiment le docteur Sheppard qui a tué Roger Ackroyd dans le roman d’Agatha Christie ?
Si l’on en croit Pierre Bayard, rien n’est moins sûr. Avec pertinence, intelligence, bonne connaissance des « canons » du roman policier à énigme basée sur les règles du genre édictées par S.S. Van Dine, il nous propose une autre lecture divisée en quatre étapes : Enquête, Contre-enquête, Délire (superbes pages érudites sur le délire d’interprétation littéraire) et Vérité.
Pierre Bayard nous soumet une théorie originale, basée sur l’autopsie du roman, qui remet en question la conclusion qui amène Poirot à désigner le coupable et aboutit à un dénouement diamétralement opposé à celui du détective mais plus que plausible.
Une belle démonstration que ce professeur d’histoire de la littérature française et psychanalyste nous démontre.
Les amateurs du roman policier à énigme sont invités lors de leurs prochaines lectures à intégrer, dans le jeu qui consiste à se demander qui est le coupable, un autre jeu : les conclusions disculpent-elles vraiment tout autre protagoniste ?
Utile après avoir lu le roman d'Agatha Christie 7 étoiles

Après ma lecture de "Meurtre de Roger Ackroyd", je me suis rendu compte qu'il y avait quelques invraisemblances et des questions me sont restées sans réponse.
Cet essai de Pierre Bayard, plutôt court, permet d'abord d'avoir un avis extérieur sur le roman, afin de savoir comment il a été compris par un autre lecteur. Ensuite, il m'a permis de me conforter sur mon avis général : étrange que l'assassin soit le Dr Sheppard (par rapport au mobile, à sa personnalité, au temps nécessaire pour organiser le meurtre, etc.) et étrange que Hercule Poirot n'ait jamais interrogé sa sœur Caroline.
L'auteur, dans un chapitre, explique bien pourquoi le lecteur, au fil des pages, ne devine jamais qui est le meurtrier. Mais il aurait pu, dans un autre chapitre, évoquer ceux qui avaient déjà deviné! Et il semble que nous soyons assez nombreux (cf. la critique du roman sur ce site)!

Sonic87 - - 40 ans - 8 juillet 2014


Un grand moment de lecture... 10 étoiles

Le roman policier est considéré par les uns comme un amusement, un passe-temps, bref, une sous littérature. Pour d’autres, c’est un jeu culturel. Il faut effectivement lire mais, surtout, découvrir le nom du coupable, son mobile et son mode opératoire. Si le lecteur y arrive avant l’enquêteur en titre alors là c’est la jubilation extrême, on est réellement le plus fort ! Enfin, pour d’autres, peut-être pas les plus nombreux ni les moins intéressants, le policier est une forme du roman à énigme et à ce titre-là il devient objet d’étude et c’est le cas pour ce Pierre Bayard qui nous livre là une remarquable étude sur le roman d’Agatha Christie, « Le meurtre de Roger Ackroyd ».
Alors, me direz-vous, à quoi peut-il bien être utile de se poser autant de questions (près de 170 pages) sur un roman policier qui a été écrit il y a déjà de nombreuses années (1926) ? Ce n’est pas masochisme ou parce que j’aurais un cerveau tortueux que j’ai adoré cet ouvrage mais, simplement, parce que je trouve que ces énigmes policières qui nous font réfléchir durant des heures méritent bien d’être disséquées par des enquêteurs pour que l’on sache, une bonne fois pour toute, si les auteurs n’auraient pas abusé de nous, les pauvres lecteurs… Cette réflexion est-elle possible alors que ces romans policiers ne sont que des fictions ? Pierre Bayard nous le prouve bien en annonçant clairement la couleur : une fiction devient bien réelle à partir du moment où il y a un narrateur et un lecteur. Qu’on se le dise !
Mais si la fiction devient une réalité alors on peut affirmer que le narrateur devient un acteur à part entière de cette histoire policière. On pourrait même ajouter que « Tout roman policier d’énigme implique la mauvaise foi du narrateur ». En effet, il fait tout pour piéger le lecteur, c’est lui qui ne lui dit pas tout, pas dans le bon ordre, de façon incomplète… Le lecteur doit donc se méfier considérablement du narrateur à fortiori si c’est l’un des personnages importants de l’histoire.
Dans un certain nombre d’enquêtes du fameux Hercule Poirot le récit est confié au capitaine Hastings, un fidèle de Poirot et un imbécile incroyable. On le sait, on se méfie donc tout de suite, mais, là, le narrateur est le docteur Sheppard. Qui se méfierait d’un médecin qui raconte un crime dans son village ? Et, pourtant, c’est lui qui est désigné coupable par le grand Hercule…
A travers cette grande épopée au cœur d’un roman d’Agatha Christie, Pierre Bayard nous propose une réflexion sur une fiction, sur le délire, sur le roman policier… mais surtout, il démontre que chaque lecteur lit un roman différent : « …cette dimension de l’après-coup fait que ce ne sont pas les mêmes signes qui seront mobilisés selon les lectures, ou mêmes significations des mêmes signes, ce qui est une autre manière de dire que – chaque lecteur constituant son propre réseau d’indices – ce n’est pas le même texte qui est lu… Pour toutes ces raisons, il n’existe pas de texte littéraire indépendant de la subjectivité de celui qui le lit. Il est utopique de penser qu’il existerait un texte objectivable, sur lequel les différents lecteurs viendraient se projeter. Et si ce texte existait, il serait, malheureusement, impossible d’y accéder sans passer par le prisme de la subjectivité. C’est le lecteur qui vient achever l’œuvre et refermer le monde qu’elle ouvre, et il le fait à chaque fois d’une manière différente… ». Ce qui signifie, aussi, par voie de conséquence et stricte application de cette théorie, que le roman « Le meurtre de Roger Ackroyd » lu par Pierre Bayard n’est pas le même que celui que vous avez lu et que cette enquête traitée « Qui a tué Roger Ackroyd » que je viens de lire ne ressemble pas beaucoup à celui que vous allez dévorer… Enfin, à vous de voir !
Pierre Bayard se demande si le coupable est bien le bon, si Hercule Poirot ne commettrait pas, enfin, une erreur, si Agatha Christie ne serait pas en voie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ?
C’est à une véritable enquête, que dis-je, une contre-enquête, que nous invite Pierre Bayard et sans pour autant renier mon amour des romans d’Agatha Christie, je finis par me demander ce que je préfère du roman initial ou de l’étude de pierre Bayard…
C’est donc un excellent ouvrage que je vous invite à lire – après avoir relu « Le meurtre de Roger Ackroyd », ce serait mieux – et vous constaterez que cela ne vous coupera aucunement l’envie de lire des romans policiers, bien au contraire puisque j’ai déjà commencé la relecture de deux romans d’Agatha Christie qui étaient cités dans ce texte de Pierre Bayard avec des remarques fort pertinentes…
Bien sûr, la note donnée à ce livre correspond à celui lu par Shelton !!!

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 20 avril 2008


Se venger à sa façon 7 étoiles

Ne pourrait-on imaginer que la finalité de cet auteur est liée à la frustration qu'il a lui aussi, comme nous tous, ressentie en refermant le roman d'Agatha Christie ?
Car en effet, si faire porter le chapeau au Docteur Shepard était génialissime, en même temps, quelle rage de se dire qu'on s'est fait avoir jusqu'au bout.
J'aime bien cette idée de Pierre Bayard de vouloir réécrire l'histoire, de chercher quand ça aurait pu coincer, de se dire qu'il n'avait peut-être pas tout faux en croyant qu'untel était le meurtrier au lieu d'un autre.
De là une savante démonstration, qui convainc ou non, c'est vrai, mais qui demande des trésors d'imagination et de perspicacité. Histoire de ne pas laisser le dernier mot à cette chère Agatha Christie si agaçante par son génie :)

Sahkti - Genève - 50 ans - 5 décembre 2005


Intéressant ... 6 étoiles

Mais je ne suis pas tout à fait d'accord.

Je reconnais que Pierre Bayard réalise un véritable tour de force intellectuel. C'est prenant et donne une nouvelle vision du roman policier mais du roman en général. Eh oui, est-ce que l'auteur nous dit réellement la vérité? Le coupable qu'il nous présente est-il le vrai? Dans ce cas précis, Hercule Poirot n'a-t-il pas souffert d'un délire d’interprétation? Il va plus loin en évoquant même Madame Bovary de Gustave Flaubert.
Donc c'est vrai, c'est intéressant, un bon essai sur la littérature policière (et j'en ai lu de nombreux pour mon mémoire de fin d'études) et, il faut le reconnaître très divertissant.

Mais, car il y a toujours un mais n'est-ce pas, je me suis interrogée tout au long de la lecture. Quel est l'intérêt d'une telle démonstration? Ce n'est pas un peu "se gratter pour se faire rire"? Pierre Bayard nous présente les personnages du roman d'Agatha Christie, comme des personnages à part entière, qui auraient finalement trompé leur auteur. Il y a également un passage qui m'a semblé tout à fait fastidieux : Le délire. Que c'est long et compliqué et franchement, je n'ai pas été convaincue.

Pierre Bayard nous présente donc un essai original mais dont la finalité m'échappe.

Féline - Binche - 46 ans - 24 août 2004