Depuis, mon coeur a un battement de retard
de Valérie Cohen

critiqué par Nathavh, le 11 mai 2019
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Un bon moment garanti. ♥
C'est toujours un bonheur de retrouver l'écriture de Valérie Cohen, une belle conteuse d'histoires à chaque fois. C'est son cinquième roman que je vous invite à découvrir. Au programme douceur, bienveillance, que du bonheur cette lecture, vous allez vous régaler ! ♥

Emma a tout pour être heureuse ; Yvan son mari bienveillant, soutien sans faille dans son travail, Arthur son fils, un adolescent sans problème, Alexandra son amie d'enfance très présente. Emma s'épanouit dans son travail, elle aime se donner à fond mais chaque année le 12 mars, elle est nostalgique et repense à ce jour 20 ans plus tôt où Jean-Philippe son amour de jeunesse l'a quittée !

C'est plus fort qu'elle, elle ne peut s'empêcher d'y penser. Depuis ce jour, son coeur a un battement de retard ! Chaque année c'est le même rituel, elle pousse aux aurores la porte de la papeterie Lismonde, choisit une carte postale qu'elle déposera le soir venu chez Agnès Marchand, son ancien prof d'anglais, responsable du fan club de Cloclo (tout un programme) mais aussi accessoirement la maman de son premier amour, la carte à l'attention de celui-ci.

Le lendemain, en général la vie reprend son cours, fermant cette parenthèse jusqu'à l'an prochain, sauf que cette année , un "divorce party" , celui de Karen la soeur de son ex amour, ravivera ses souvenirs et la replongera dans la nostalgie et son passé. L'envie de retrouver à tout prix son amour de jeunesse pour obtenir des réponses à ses questions une fois pour toute ne la lâchera plus, elle deviendra obsessionnelle.

Valérie Cohen aborde différentes questions. Quelle trace laisse un premier amour ? Peut-on apprivoiser le passé quand il s'immisce au présent ? Comment tourner la page sans renoncer à hier ? Comment expliquer un désir que l'on ne comprend pas ? Pourquoi vouloir renouer avec son passé si on a tout pour être heureux ? Quel est donc ce manque ressenti ? Cette envie, ce besoin d'avoir la certitude que l'on a fait les bons choix et que l'on ne s'est pas trompé ?

C'est une belle brochette de personnages que Valérie Cohen nous invite à découvrir, des personnages à la psychologie bien travaillée, sensibles, drôles, attachants, émouvants, des femmes surtout. Elle nous parle si bien de l'âme humaine.

Des situations improbables, cocasses parfois, toujours avec humour, une plume que je vous invite vraiment à découvrir. Cela semble léger mais ne l'est pas tant.

Mention spéciale au personnage de Blandine. Je n'ai pas envie de vous en dire plus, un livre qui se déguste comme une friandise. Cela pétille, c'est coloré.

Ah oui, on y parle de l'univers professionnel d'Emma, sa mission développer une entreprise de prêt à porter pour les femmes de moins d'un mètre soixante. Il faut vous dire qu'Emma mesure un mètre cinquante et demi, une sacré nana qui a du caractère et du tempérament. La recherche de l'amour et de son Jean-Philippe passera par les sites de rencontres...

Je vous en ai assez dit et j'espère vous avoir mis l'eau à la bouche et vous avoir donné l'envie de découvrir ce très beau roman.

Gros coup de coeur. ♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

Afficher son décolleté à un certain âge, c'est pire qu'un maraîcher qui mettrait en rayon des fruits avariés.

Pourtant, elle en est consciente, c'est dangereux, un passé. On peut l'envoyer balader, le disséquer, lui claquer la porte au nez, le diluer dans l'alcool ou simplement le tenir à distance. Tentatives hasardeuses. Il chancelle, mais ne s'évanouit jamais. Au pire, il vampirise nos nuits. Au mieux, il éclaire nos jours. Une fois inscrits dans la mémoire, les souvenirs se contorsionnent, traversent notre conscience et s'immiscent, sans y être invités, dans nos rêves, nos silences et nos conversations. Toujours en coulisses, ils patientent, meurent et renaissent à notre insu.

La mort est tellement plus rassurante que la vie.

Un passé, même vidé de sa substance, demeure toujours un passé.

Votre sentiment d'abandon était énorme, vous me suivez ? Gros comme un nuage. Disons que ce nuage, c'est votre passé. Et maintenant, imaginez-vous prisonnière de ce nuage. C'est ça, la nostalgite. Mais ne vous inquiétez pas, elle se soigne très bien.

S'inventer des vies, c'est mettre des couleurs à la sienne.

Comment lui expliquer un désir qu'elle même ne comprend pas ? Comment faire cohabiter en elle tant d'émotions contradictoires.

Aimer, ce n'était pas se sentir en sécurité, choyée, désirée. Ce n'était pas vivre aux côtés d'un être qui pansait vos blessures mais, au contraire, c'était rencontrer quelqu'un qui vous faisait plonger dedans les pieds joints. Aimer, c'était le plus grand. Aimer, c'était plus douloureux.

Un enchevêtrement d'innombrables souvenirs épars. Certains restent gravés en nous à notre insu et nous embarquent dans d'étranges voyages intérieurs. D'autres infusent longtemps, et puis se font la malle, disparaissent à jamais. Dans les deux cas, il reste l'absence. On en fait quoi , de l'absence ?

Nous ne sommes vraiment pas tous égaux pour accueillir la vie.

Fantasmer, transgresser, désirer ces inconnus lui apportait une immense liberté intérieure. Poser des actes, et, peut-être, se fracasser à ses rêves la plongeait dans une guerre intestine dont elle n'était pas certaine de sortir victorieuse.

Mieux valait avoir des ailes au coeur que des papillons dans le ventre.

Ressasser est inutile, profondément pathétique. S'il fallait tomber chaque fois que la vie nous mène sur un nid-de-poule, les hôpitaux seraient remplis de jambes cassées !

Tout ce que la vie nous invite à traverser, ma jolie, vous ne le changerez pas. Ni vous, ni personne. Ni vos larmes, ni vos regrets, ni vos souffrances. Rien ne change le cours de votre histoire. La seule chose que vous pouvez modifier, c'est le regard que vous portez sur elle.

Sa mère lui répétait souvent que la vie était une succession de noeuds, que le grand jeu des humains était de les défaire, un à un. Pour ensuite s'en confectionner d'autres, avec la même ardeur mise pour les désentortiller.

Certaines rencontres portent en elles la magie d'une évidence.