Space Opera ! : L'imaginaire spatial avant 1977
de Vivian Amalric, André-François Ruaud

critiqué par Fanou03, le 2 mai 2019
(* - 49 ans)


La note:  étoiles
Vers l'infini et au-delà
Je dis tout de go un grand merci à André-François Ruaud et Vivian Amalric pour avoir commis ce délicieux ouvrage, qui est un bel hommage presque amoureux au Space-Opera, mais attention, vous l’avez bien vu dans le sous-titre, celui d’avant 1977, d’avant l’arrivée tonitruante de Star Wars bien sûr, qui, pour les auteurs, va marquer un tournant, une rupture pour le genre. Alors au fait, qu’est-ce que le Space-Opera ? L’ouvrage évidemment commence par une tentative de définition de ce sous-genre de la Science-Fiction. Influence des histoires de capes et d’épées, sens du merveilleux, esthétisme baroque, et surtout humour : voilà quelques-unes des caractéristiques, pour les auteurs, du Space-Opera. Ils vont même jusqu’à le voir comme une « déclinaison américaine du romantisme ».

Car le genre s’inscrit avant tout dans la sphère anglo-saxonne, états-unienne en premier lieu. L’ouvrage, chapitre après chapitre, dresse ainsi le vaste portrait, pétri d’érudition, des éléments fondateurs ou structurels du genre, tous médias confondus. Pour n’en citer que quelques-uns : les pulps (ces magazines bon marché où parurent les premiers récits de Space-Opera), les serials (leurs équivalents cinématographiques), Flash Gordon, les grands auteurs (Isaac Asimov, Poul Anderson, Robert Heinlein, ...), Star Treck (pour la télévision). Les éléments non américains sont aussi abordés, comme le héros britannique Dan Dare, l’allemand Perry Rhodan (« la plus impressionnante expérience d’écriture interactive de tous les temps »), ou bien encore l’auteur Louis Thirion à travers la collection Fleuve Noire. Et on se laisse bercer avec beaucoup de bonheur dans les résumés de toutes ces histoires et scénarios, parsemé « de robots, d’inventeurs géniaux, de savants fous, de voyage dans l’espace et dans le temps, d’invasion de la Terre et d’enlèvement par les extraterrestres ».

Mais, au-delà d’être un catalogue raisonné d’œuvres relevant du Space-Opera, le grand intérêt de l’ouvrage est l’ensemble des réflexions d’ordre littéraire qui irrigue tout le livre. La question du style par exemple y tient une place de toute première importance. Les auteurs rappellent ainsi qu’ « on a dit et répété qu’en Science-Fiction, le style est souvent médiocre ». Ils apportent des nuances bienvenues à cette affirmation, à partir d’une analyse des récits en langue originale, montrant notamment les ravages de traductions vers le français bien souvent bâclées. Ils insistent par ailleurs sur le talent de nombreux auteurs, véritables « raconteurs d’histoire » au sens noble du terme, faisant preuve « d’une sorte de pétillement d’intelligence, une complicité avec le lecteur, à travers lesquels se lit encore la joie qu’ils avaient de créer leur univers ». C’est finalement la définition de la littérature populaire, de son positionnement vis-à-vis de la littérature classique qui est interrogé, ainsi que la place ce que les auteurs appellent « les petits maîtres », ces auteurs dits « mineurs » qui tissent la trame d’un genre.

Largement illustré d’affiches ou bien de couvertures d’époques, en noir et blanc, l’œuvre est de toute première qualité, tant par le plaisir que procure sa lecture, pour qui est friand de ce type d’univers que par les questions qu’elle pose, et qui dépasse largement le genre lui-même. Un seul regret quand même : que André-François Ruaud et Vivian Amalric ne concluent pas par un regard critique et explicatif sur Star Wars, qui clôt temporellement ce très recommandable essai.