La Costa des seuls
de Michel Duchesne

critiqué par Libris québécis, le 29 avril 2019
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Voyage organisé en Espagne
On rêve de voyages. Et enfin, on pose les gestes qui hâtent les départs. Mais il faut bien plus que des bagages pour s’envoler si l’on ne veut pas regretter son périple. Fuir un quotidien mal vécu ne remet pas de l’ordre au fond des cœurs. Les courses effrénées au bonheur n’éloignent jamais le bourlingueur du ciment des villes qui lui a plombé les ailes. Mais l’espoir aperçoit toujours des lueurs à l’horizon.

Qu’adviendra-t-il du groupe organisé parti à destination de la Costa del Sol ? Difficile de quitter un cocon qui moule bien son morne quotidien. La solitude urbaine n’oublie pas l’exilé en quête de rencontres. Elle suit ses fidèles comme des chiens de poche. Et quand 27 personnes envahissent un hôtel, même bien étoilé, elles ne se transforment pas nécessairement en une confrérie de joyeux lurons. Quand l’’enfant d’un jeune couple imite les alouates, les singes hurleurs et que Madame Bi partage sa chambre avec une ronfleuse professionnelle, il y a de quoi vivre sur le gros nerf. Le repos tant recherché devient impossible dans une surprise-party. Et comme les visites des églises et des musées se suivent à un rythme infernal, la course au bonheur devient une course à obstacles, lesquels se caractérisent par leur prodigalité, sans compter les petits malheurs qu’ils sèment en chemin comme la mort du chien d’une enseignante retraitée qui joue au cicérone. Heureusement l’accompagnateur gay sait tourner les coins ronds. Il a le métier dans la peau d’autant plus que le conducteur de la navette, qui partage les mêmes affinités sexuelles, connaît la région comme le fond de sa poche. Les deux hommes sauront organiser des tours inoubliables en dehors des circuits du tourisme patenté.

Les péripéties de ce voyage occupent joyeusement les 370 pages du roman. L’auteur a judicieusement choisi de l’enrichir d’un volet personnalité décrivant ces boute-en-train québécois en cavale en Espagne. À travers leurs relations interpersonnelles apparaissent la grandeur d’âme des uns et la tare des autres. La chialeuse à tout cran, insatisfaite de tout, le timide soumis, l’enfant capricieux, la maman poule, l'aventurier. Une galerie de personnages que l’on suit avec plaisir. Et derrière la façade se cachent des intentions peu avouables. Les humains ne sont pas fabriqués en bois. Ils préfèrent plutôt les sous-bois où ils espèrent y entraîner une conquête.

Le roman fait vivre aux lecteurs un beau voyage en dents de scie. Les fans de tourisme y trouveront leur compte s’ils n’envisagent pas de partager le fol emballement de gens assoiffés par les attraits commercialisés à outrance. Et les rebondissements bien amenés soutiennent constamment l’intérêt ainsi que le volet informatif qui se glisse discrètement sans dévier l’œuvre vers l’exposé historique. Mais l’auteur n’est pas passé maître dans l’art du suspense. Il a amorcé un épilogue qui s’annonçait défavorable au groupe. Il a plutôt décidé de terminer par un happy-end. Bref, c’est le livre tout indiqué pour accompagner le lecteur en vacances ou en train.