Maîtres ou esclaves du numérique? 2049 : Internet, notre second cerveau
de Benoît Sillard

critiqué par Septularisen, le 15 avril 2019
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
DEMAIN, TOUS «DIGITALISÉS»?
Qui d’entre nous n’a pas déjà, au cours d’une conversation quelconque, prononcé la phrase : «attend je vais vérifier sur le net» ? ou qui n’a pas déjà «googlisé» une personne pour en savoir plus sur elle?

La mutation numérique est si forte qu'Internet devient ainsi peu à peu une sorte de second cerveau, notre mémoire collective et en même temps une source d'information inépuisable, gratuite et surtout disponible en permanence! Est-ce une chance, une menace ? Les réseaux sont-ils un formidable vecteur d'intelligence collective, ou un éteignoir de l'esprit critique? Une nouvelle civilisation est-elle en train de naître sous nos yeux? L’intelligence collective va-t-elle nous rendre plus maîtres qu’esclaves? C’est à toutes ces questions, et bien d’autres encore, que M. Benoît SILLARD (*1958) tente de répondre dans ce livre.

Il m’est bien entendu impossible de tout résumer dans une courte recension. Disons que c’est bien documenté et on sent tout de suite que M. SILLARD sait de quoi il parle. Chaque chapitre aborde un thème différent (P. ex. Accès aux réseaux de la connaissance, nouvelles façons d'apprendre, de jouer, de travailler, de s’informer, de penser… Apparition de nouveaux modèles économiques, politiques et sociaux….) et est illustré d’exemples pratiques très intéressants tirés de la vie de tous les jours. Il y a aussi des «tranches de vie» soi-disant tirées d’un journal écrit en 2049. Cette partie est par contre beaucoup plus barbante, et franchement? ’On aurait aisément pu s’en passer! Saluons par contre, la très bonne idée de faire, à la fin de chaque chapitre, une «conclusion prospective», qui résume en quelques lignes, les idées principales de ce que l’on vient de lire.

Après, comme de toujours dans ce genre d’ouvrage, on trouve des passages… Disons... Un peu «bateau» et passe-partout comme celui-ci p. ex. p. 225 : «Toute civilisation a besoin d’énergie, et elle périclite lorsque ses sources sont taries. Les énergies fossiles sur lesquelles a été bâtie la société industrielle moderne sont en voie d’épuisement rapide (??) et elles ont des effets délétères sur les équilibres climatiques» (…). Bon, je n’ai pas fait math sup, mais désolé M. SILLARD, cela je le sais aussi…

On peut aussi, bien sûr, ne pas être d’accord avec l’auteur quand p. ex. p. 153 il dit : «Plus on rend difficile l’accès aux ressources existantes (par le prix et la propriété), plus on tarit la créativité ; plus on ouvre cet accès (par la gratuité), plus on nourrit l’innovation». Pas sûr que les artistes qui se font littéralement "piller" toutes leurs chansons et leurs concerts et qui les retrouvent accessibles, gratuitement, sur le net - et dès lors ne vendent plus de disques, ne touchent plus de droits d'auteurs et n’ont plus les moyens d’en enregistrer des nouveaux -, soient vraiment d’accord avec cela…

Je trouve aussi que l’auteur n'évoque pas assez le problème du recyclage de toute cette technologie, p. ex p. 226 quand il évoque «les nouvelles batteries à base de Lithium Fer Phosphate LifePo4 pour recharger en quelques dizaines de secondes nos portables», c’est oublier un peu vite les problèmes de pollution entrainés par l’extraction et le recyclage de ces matières!...

L’auteur me semble aussi un peu trop subjectif et beaucoup trop optimiste quand il aborde les dérives possibles du numérique. P. ex ici p. 138 (…) «L’ère numérique est en train de bouleverser de fond en comble la production de valeur. Elle donne naissance à un monde où les notions d’altruisme et d’empathie l’emportent sur l’égoïsme et l’indifférence». (…) Pas vraiment convaincu, surtout quand on voit les tonnes d’agressivités, de méchancetés, de racisme, de violence, de xénophobie, de délations, de «Fake News», sans compter les harcèlements divers et variés, qu’il faut tous les jours modérer sur les réseaux sociaux!...

En conclusion, je dirais que c’est plus un livre sur l’aspect sociologique que technique du «monde numérique» qui est en train d’apparaître sous nos yeux, mais c’est un livre bien écrit (malgré quelques répétitions…), qui se lit facilement et sans doute intéressant pour le plus grand nombre.
Tout il est beau, tout il est bien… 4 étoiles

… sauf que :
- Comme l’indique Septularisen, aucune information technique, comme si le numérique ne consommait rien, ce qui est loin d’être le cas, entre consommation électrique, particulièrement celle des serveurs, et utilisation de ressources rares
- Le titre est trompeur, je n’y ai pas vraiment trouvé de débat sur ce sujet
- Comme l’a prouvé le récent confinement, de nombreuses activités non numériques se sont révélées indispensables à la survie de tous…

A noter que ce livre est paru en 2011, une quasi-éternité dans le domaine du numérique, et qu’il est très optimiste sur la protection de la vie privée.

Ludmilla - Chaville - 68 ans - 8 août 2020