On peut voir tout d’abord le livre de Mario Livio comme une relativement brève mais passionnante histoire des mathématiques vu à travers le nombre d'or. Il évoque en effet pour retracer la carrière de cet énigmatique irrationnel (Φ pour les intimes), les travaux de toute une cohorte de brillants mathématiciens, depuis Euclide, auteur des fondamentaux Éléments et « découvreur » du nombre d’or, en passant par Pythagore, les mathématiciens arabes et bien sûr la figure centrale de Fibonacci. Mario Livio nous apprend d’ailleurs que Fibonacci, dans son fameux ouvrage, le Liber abaci, outre le fait de multiplier les exemples d’applications du nombre d’or, comme sa fameuse suite, en profite aussi au passage pour introduire la numération arabe en Europe.
Après avoir donc donné les différentes définitions du nombre d’or (dont évidemment sa valeur : 1,618...), et résumé les passions qu’il a exercé historiquement sur les mathématiciens, Mario Livio casse par contre considérablement un mythe, celui de sa présence conséquente dans l’architecture et les arts. Je ne vous cache pas que cela a provoqué chez moi une sorte de déception. Point de « divine proportion » donc chez les babyloniens, ni dans les cotes des Pyramides, du Parthénon, ou dans les œuvres des artistes, qu’ils soient de la Renaissance, de l’époque modernes ou contemporaine (mise à part quelques cas documentés comme Dürer ou Le Corbusier). Dans cette implacable entreprise de déconstruction, Mario Livio rappelle en effet qu’en absence de trace bibliographique fiable, il est impossible d’affirmer que l’artiste ou l’architecte a utilisé le nombre d’or. Il démontre que les mesures ne sont pas des preuves, la marge d’erreur permettant de faire dire tout et n’importe quoi. Il nous donne en outre une exemplaire leçon de rigueur en se replongeant dans les sources et en démontrant que c’est un passage d’Hérodote à la fois fantaisiste et mal traduit qui a donnée naissance à ce fantasme du nombre d’or qui aurait été utilisée pour l’édification de la Grande Pyramide. Il affirme qu’il serait de toute façon absurde d’utiliser le nombre d’or comme canon esthétique.
Mais pour nous consoler pourrait-on dire, l’auteur nous expose par contre les incroyables propriétés mathématiques de Φ, qui touchent aussi bien la géométrie que l’algèbre. Cette partie est sans doute la plus ardue du livre, car Mario Livio y introduit de nombreux concepts et démonstrations mathématiques plus ou moins faciles à suivre, mais aussi la plus fascinante, celle qui donne le tournis, plus encore peut-être que l’évocation de la présence du nombre d’or dans les phénomènes biologiques (peut-être parce que j’en avais déjà entendu parler). A partir de ces considérations mathématiques Mario Livio esquisse, dans son chapitre final, une réflexion très riche sur la vraie nature des mathématiques, sur la vérité mathématique (est-elle absolue ?) et interroge finalement sur l’intervention d’une éventuelle « main de Dieu » qui aurait créé de toute pièce un système aux propriétés aussi extraordinaires que celle du nombre d’or.
Fanou03 - * - 49 ans - 22 janvier 2020 |