Je connaissais déjà Leonardo Padura sous l’angle du polar – Electre à La Havane, Adios Hemingway- mettant en scène l’impayable commissaire Mario Condé.
Dans ce recueil de nouvelles, on se prend d’empathie pour des personnages le plus souvent paumés ou ayant eu à pâtir de vicissitudes liées aux réalités cubaines. Certains n’ont d’autre solution que de vendre leurs charmes, d’autres ne trouvent rien de mieux que d’imbiber leur foie, d’autres encore choisissent la chimie euphorisante. Et quand l’une de ces âmes perdues en rencontre une autre, elles se donnent l’une à l’autre jusqu’à épuisement donnant lieu à des scènes libidineuses dont quelques écrivains cubains semblent avoir la patente pour les décrire (autre exemple dans le Néant quotidien de Zoë Valdes).
Le point commun entre la plupart des protagonistes, c’est qu’ils semblent accepter leur sort sans avoir l’impression de pouvoir faire quelque chose pour sortir de l’ornière qui les conduit vers leur destinée. Ils attendent ce qui désirera arriver. Y’a-t-il meilleure définition du mot fatalisme ?
Mais l’histoire qui m’a le plus touché est celle intitulée « Adelaida et le poète ». Adelaida fait partie d’un atelier d’écriture sis à la Maison de la Culture où les aspirants écrivains viennent présenter leurs écrits ou recevoir des conseils de plumes avérées dont ceux du poète Reinaldo. Un exercice auquel ce dernier s’adonne parce qu’il le faut bien, sans enthousiasme et surtout sans illusion qu’un écrit publiable ne puisse un jour sortir du stylo de l’un de ces élèves persévérants mais manquant de génie. Sauf qu’Adelaida cette fois-ci sent qu’elle tient un texte qui devrait convaincre ; fébrile à l’idée de le déclamer, elle met sa plus belle robe et se poudre les pommettes. Et la lecture commence. La première pensée de Reinaldo est que cette femme a dû être très belle jadis. Puis, au fil de la déclamation, il écoute de plus en plus attentivement et finit par admettre que cette petite dame mérite un poème.
Adelaida vient là de conter sa propre histoire, notamment ce jour triste où elle avait revêtu une robe de deuil…. avant même qu’on lui annonce le décès de sa fille. Parce que son cœur de mère l’avait senti et que de toute façon elle ne pouvait pas aller à l’encontre de ce qui désirait arriver..…..
Millepages - Bruxelles - 65 ans - 23 mai 2024 |