La trilogie martienne, tome 1: Mars la Rouge
de Kim Stanley Robinson

critiqué par Benoit, le 17 juin 2004
(Rouen - 43 ans)


La note:  étoiles
Au revoir, la Terre! Bonjour Mars!
Dans ce premier tome de la trilogie (les suivants sont Mars la Verte et Mars la Bleue), on assiste à l'arrivée d'un groupe de scientifiques (Américains, Russes, Français,...) venus explorer Mars. C'est donc tout d'abord le long voyage de la Terre jusqu'à Mars puis l'installation du premier poste d'observation.
On a donc droit à l'exploration de la (encore vierge) planète rouge dont les paysages décrits avec moult détails par l'auteur nous semblent à la fin très familiers.
Cependant sur Terre, la montée des océans, la surpopulation menacent l'équilibre géopolitique de la Terre où les décisions ne sont plus prises par des gouvernements (des marionnettes) mais par des conglomérats industriels, dirigés par une élite qui, grâce à sa richesse, peut s'offrir la jeunesse éternelle, ce qui alimente les tensions sociales. Il est alors décidé d'envoyer le trop-plein de personnes sur Mars, immense planète inhabitée.
Une des tâches des scientifiques sur place est alors de "terraformer" la planète pour qu'elle devienne habitable. Mais cela prendra plusieurs siècles. Au début, les nouvelles populations sont logées dans des villes-tentes qui les protègent de l'atmosphère de la planète. On assiste alors à la naissance d'une nouvelle civilisation, dominée au début par les conglomérats terrestres qui exploitent sans vergogne la planète. Puis les tensions apparaissent entre les habitants de Mars et la Terre (les premiers trouvant que trop de gens de la dernière arrivent sur "leur" planète) et les partisans d'une terraformation complète et ceux voulant garder la planète intacte...

Ce livre est extrêmement riche et brasse plusieurs thématiques. Tout d'abord, sa description de la planète Terre fait froid dans le dos mais, hélas!, est crédible. Deuxièmement, les descriptions des paysages martiens sont hallucinantes et la richesse des détails sur la transformation de Mars est intéressante. Enfin, le travail de recherche technologique a dû être formidable car rien n'est laissé de côté, le moindre détail technologique a été pris en compte pour nous rendre un monde très cohérent. Et bien sûr, le côté psychologique des personnages est très recherché et toutes les relations entre les personnages, très bien étudiées.

Pour gage de qualité, ce tome a reçu le Prix Nebula et le suivant le Prix Hugo, ce qui n'est pas à la portée du premier écrivain venu...
Un guide du routard pour Mars ! 9 étoiles

Une trilogie très ambitieuse qui demeure pour moi une référence dans la SF. Attention, cela n’a rien à voir avec Star Wars, qu’on se le dise ! Ici, pas de rencontres du troisième type ou de petits hommes verts, on est davantage dans le roman d’anticipation. Les descriptions sont très détaillées, il y est beaucoup question de politique et d’écologie, et la psychologie des personnages est plutôt fouillée. Tout cela confère au récit une couleur très réaliste, si bien qu’on a quasiment l’impression d’y être. Cette saga m’a vraiment emporté, c’est comme si j’avais vécu sur Mars ! J'en recommande vivement la lecture aux amateurs.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 2 août 2012


Loin d'être évident et assez ciblé scientifique 6 étoiles

Voilà j'ai enfin terminé ce premier opus de la trilogie martienne de Robinson, OUF!!
Autant vous le dire tout de suite, ce fut laborieux malgré une lecture assez continue dans l'ensemble. Bon voilà l'histoire qui se déroule en gros entre 2020 et 2061 (c'est très approximatif):
50 hommes et 50 femmes, tous scientifiques, débarquent sur Mars sous l'égide de l'ONU et de l'AMONU afin de tenter le grand saut: vivre sur Mars. La première partie installe toute la psychologie des personnages à travers le voyage à bord de l'Arès; ainsi nous apprenons à connaitre John Boon qui fut le premier à poser le pied sur Mars, son ami-rival Arkady, Ann, Maya, Sax, Hiroito et bien d'autres.
Très vite, la vie sur Mars s'installe avec toutes ses nombreuses contraintes: aridité, absence d'eau en surface, pression atmosphérique inadaptée et température notamment obligent chacun à s'atteler à des tâches titanesques.
Dès le départ pourtant, 2 clans se divisent fortement: les rouges, qui veulent étudier Mars sans l'adapter à l'homme et en la conservant telle qu'elle est et les verts, partisans de la terraformation de Mars et prêts à tout mettre en oeuvre pour modifier les composantes propres à Mars pour l'adapter aux besoins humains et aux désirs des transnationnales terriennes qui veulent exploiter les ressources de la planète rouge.
Au fil du temps l'AMONU et l'ONU décident d'envoyer de nouveaux émigrants sans l'avis des "100 premiers"; bientôt la quiétude martienne va s'altérer et voir arriver les premières révoltes puis le 1er assassinat.
La suite est une longue fuite pour éviter la répression et la mort au travers de la description de paysages extraordinaires que je vous laisserai découvrir tout au long des 663 pages de ce premier volet.

Mon avis est partagé, j'ai encore du mal à évaluer si j'ai vraiment aimé ce bouquin. D'abord il est très technique, voire scientifique; les termes qu'on y trouve m'étaient totalement inconnus.
Ensuite, on peut sentir une certaine lourdeur générale dans les descriptions de Mars qui peut donner envie de fermer le livre.
Enfin et c'est certainement parce que je n'ai pas du tout l'esprit scientifique, j'ai noté pas mal de détails qui me paraissaient peu crédibles, irréalistes mais bon je n'ai ni le recul nécessaire ni la connaissance pour ça.
La fin malgré tout appelle une suite très intéressante et peut-être moins lourde puisque le décor est planté....... TO BE CONTINUED

Oxymore - Nantes - 52 ans - 12 juin 2006


Wow ! 9 étoiles

Nous sommes en 2026. La Terre vient d’envoyer un équipage trié sur le volet de 50 hommes et 50 femmes (un tiers russe, un tiers américain et un tiers d’autres nationalités) vers la planète Mars à bord du vaisseau spatial Ares afin de commencer la colonisation de celle-ci.

Nous entrons donc dans la vie de ce groupe qui sera nommé les « first hundred » (les cents premiers). Ils débattront des diverses initiatives à proposer aux Nations Unies concernant la planète rouge. Les partisans pour la « terraformation » de Mars, menés par le physicien/ingénieur Sax Russel, gagneront face aux « reds » menés philosophiquement par la géologue Ann Clayborne. Au niveau politique, les points de vues sont très variés. Le héros américain John Boone, premier homme à avoir marché sur Mars, propose de prendre en main le pouvoir décisionnel de manière progressive. Le très influent russe Arkady, mouton noir du groupe, partage sa vision à saveur communiste alors que la géologue Phyllis Boyle, Némésis d’Ann, prône la terraformation de Mars comme, ultimement, un plan de Dieu. Frank Chalmers et Maya Katarina Toitovna, dirigeants respectifs des délégations américaines et russes, tentent de calmer, sans vraiment de succès, les différents conflits qui émergent. Enfin, la charismatique Hiroko disparaîtra avec ses disciples, dont le psychiatre Michel Duval, afin d’aller fonder une utopie secrète.

Le livre est divisé en 8 parties, chacune décrite par l’un des cents premiers. À part la première partie, le livre est en ordre chronologique. J’ai vraiment aimé la description de la colonisation de Mars par Robinson. Ses personnages sont bien distincts. Ils ont une couleur propre et le style du livre change conséquemment d’une partie à l’autre. On commence avec Frank Chalmers, qui « commande » le meurtre de son vieil ami John Boone. Par la suite, on fait le voyage à bord de l’Ares avec Maya. On commence l’installation sur Mars avec Nadia (Nadezhda Francine Cherneshevky), la mécanicienne/machiniste la plus habile des cents, qui contribue à la création de la première « ville », Underhill(1). Une petite pause par la suite avec Michel Duval qui exprime son mal du pays et ses conclusions sur les 4 principaux aspects psychologiques des cents premiers. Par la suite, John Boone se promène dans l’ensemble des installations martiennes et enquête sur des sabotages faits envers les projets aidant à la terraformation. Suite à sa mort, Frank continue et perd son jeu politique (et sa santé mentale) par l’arrivée d’une révolution. Finalement, Nadia et Ann terminent le livre en décrivant respectivement la vie durant les moments forts de la révolution et l’exil vers les installations secrètes du groupe d’Hiroko. L’atmosphère générale du livre peut se résumer à la formule introduite par l’auteur au travers Hiroko : « Shikata ga nai » (il n’y a pas d’autre choix).

Le souci du détail de l’auteur est fascinant. Le livre a été publié la première fois en 1993 et les informations sur Mars que donne Robinson sont toujours pertinentes aujourd’hui et ce, malgré l’incalculable augmentation de nos connaissances sur la planète rouge depuis.

Mentionnons quelques autres détails. L’auteur exprime, au travers les personnages Chalmers et Boone, un point de vue très dur envers la religion musulmane en générale et les arabes en particulier(2). Je ne sais pas comment les communautés impliquées ont réagi à ce livre, mais si elle n’en ont pas fait un plat, je doute qu’elles prônent sa lecture. Ensuite, j’ai trouvé très intéressantes plusieurs théories développées par les personnages de l’auteur. De la tirade d’Arkady à Sax Russel(3) à l’eco-economics développée par Marina et Vlad à Archeron, en passant par les réflexions de Michel Duval et la description des « walkers », ces habits plus maniables que des combinaisons d’astronautes et qui exercent une pression sur le corps afin que ce dernier n’explose pas sous la faible pression martienne, l’imagination de Robinson est fascinante.

(1)« Underhill » se traduit mot à mot « Souscolline », ce qui correspond au nom d’emprunt de Frodon Sacquet à Bree dans Le Seigneur des anneaux.

(2)“He studied the men’s faces as they talked. An alien culture, no doubt about it. They weren’t going to change just because they were on Mars, they put the lie to John’s vision. Their thinking clashed radically with Western thought; for instance the separation of church and state was wrong to them, making it impossible for them to agree with Westerners on the very basis of government. And they were so patriarchal that some of their women were said to be illiterate – illiterates, on Mars ! That was a sign. And indeed these men had the dangerous look that Frank associated with machismo, the look of men who oppressed their women so cruelly that naturally the women struck back where they could, terrorizing sons who then terrorized wives who terrorized sons and so on and so on, in an endless death spiral of twisted love and sex hatred. So that in that sense they were all madmen.”

(3)“ “All these changes will happen inevitably,” Sax Russell said with a shrug. “Being on Mars will change us in an evolutionary way.”

Arkady shook his head vehemently, causing him to spin a little in the air over the table. “No, no, no, no! History is not evolution! It is a false analogy! Evolution is a matter of environment and chance, acting over millions of years. But history is a matter of environment and choice, acting within lifetimes, and sometimes within years, or months, or days! History is Lamarckian! So that if we choose to establish certain institutions on Mars, there they will be! And if we choose others, there they will be!” A wave of his hand encompassed them all, the people seated at the tables, the people floating among the vines: “I say we should make those choices ourselves, rather than having them made for us by people back on Earth. By people long dead, really.”

Khayman - Chicoutimi - 44 ans - 27 août 2005