Avant la retraite
de Thomas Bernhard

critiqué par Pucksimberg, le 30 mars 2019
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un éclairage sur la part sombre d'une certaine humanité ...
Quand cette pièce de théâtre de Thomas Bernhard sortit en 1979, elle fit grand bruit en Autriche. Dans cette œuvre un président de tribunal et ancien officier SS s’apprête en toute discrétion à fêter avec ses sœurs l’anniversaire d’Himmler. La guerre est bien finie, mais cet homme qui a vécu caché, se faisant oublier après ses exactions nazies vit dans une grande nostalgie de ce qu’était l’Allemagne sous Hitler et espère grandement que les hommes se rendront compte un jour de l’intérêt qu’avait cette politique. Une de ses sœurs est en fauteuil roulant suite à une bombe jetée par les Américains qui a eu raison de sa colonne vertébrale. L’autre, Vera, encense son frère et défend toutes ses idées.

Cette pièce de théâtre s’inspire du Ministre-Président du Bade-Wurtemberg et avait donc une certaine résonance quand elle est sortie. Cette œuvre est une charge contre cette société qui ne s’est pas libérée totalement de l’idéologie nazie. Thomas Bernhard avait choqué les Autrichiens quand il avait affirmé haut et fort que l’Autriche était encore truffée de nazis après la guerre. Cette idée avait brusqué l’opinion publique. Cette même idée prend tout son sens aussi pour l’Allemagne. Peut-on dire que le pays a fait totalement table rase de cette idéologie ? Le dramaturge ne s’en prend pas à tous les Allemands, mais l’on sent l’écœurement de l’écrivain face à certains individus détestables qui ont réussi à survivre à leurs crimes de guerre.

Cette pièce de théâtre fait froid dans le dos. Il n’y a que trois personnages sur scène. Celle qui pourrait susciter la sympathie du lecteur, Clara, est clouée dans un fauteuil roulant et n’a pas la possibilité de développer longuement ses idées, même si son point de vue est clairement perceptible. Il y a Vera dont les propos sont parfois durs et qui défend Rudolf sans aucune hésitation. Ce dernier révolte le lecteur par sa fidélité sans nom à Himmler. Il n’hésite pas à endosser la tenue vestimentaire qu’il portait sous Hitler, regrette énormément cette époque et partage encore complètement ces idées nauséabondes. Et quand vient le moment de sortir les albums de photos pour se souvenir du bon vieux temps, certains propos sont à vomir. Lorsque les personnages sont pris de nostalgie en regardant les photos dans le camp, l’on ressent toute la rancœur de Thomas Bernhard et le dégoût pour ces individus qui continuent à vivre normalement, ou presque, en Allemagne et en Autriche.

Cette pièce est forte, violente et engagée. On imagine aisément son potentiel sur scène. L’écriture de Thomas Bernhard est toujours aussi efficace et le ton est polémique. Une réussite !