Le périple d'Ulysse
de Jean Cuisenier

critiqué par Sahkti, le 17 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
A la recherche d'Ulysse
Jean Cuisenier est ethnologue, spécialiste des civilisations turques et balkaniques. Un jour, il a eu envie de suivre les traces d'Ulysse en sillonnant la Méditerranée, comme Tim Severin le fit en 1985.
L'Odyssée de Cuisenier a bénéficié des technologies modernes, mais le regard de l'aventurier est resté attentif à chaque détail, aux cris de la mer, aux signes de la nature, aux observations archéologiques et géographiques. C'est un très beau carnet de bord qui nous est donné à lire ici, empreint de sagesse et de philosophie. Ces nouvelles techniques n'ont cependant pas aveuglé Cuisenier qui n'a doté son catamaran que du strict nécessaire. Pour lui, trop de technique tue le savoir en navigation. Comment lire une carte ou décrypter un vent si des appareils font tout à votre place ? Et quel intérêt de ne rien connaître alors qu'on part sur les traces du savoir nautique de l'Antiquité ?
Un voyage scientifique subventionné par le CNRS, histoire de recréer les conditions décrites dans l'Odyssée, une expédition motivée par l'hypothèse suivante : Homère, grâce à ses textes, transmet un savoir immense et de première importance sur la mer, les vents, les courants, les expéditions maritimes, les nouvelles cultures à coloniser. Plus que de la poésie, ses récits sont de véritables vitrines du savoir de l'époque et du monde existant.
Par moments, j'ai trouvé que Jean Cuisenier suivait trop littéralement le texte de l'Odyssée, au mot près, une promenade trop téléguidée. Mais en même temps, cette fidélité excessive au texte nous permet d'apprécier encore davantage l'extraordinaire précision du récit.
Un autre regret, plus important celui-là, est le manque total d'attention de Cuisenier envers l'aspect purement littéraire du texte de Homère. Aucune trace des "apologoi" dans son journal de voyage, par exemple. Il préfère se baser sur la géographie et la découverte de la mer que sur le symbolisme compris dans les mots. C'est dommage, car cela tendrait presque à réduire Homère au rang de simple marin.