Histoire de mon fils
de Nadine Gordimer

critiqué par Tistou, le 23 mars 2019
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Amour au pays de la ségrégation raciale
Il s’agit d’un roman centré sur la ségrégation raciale en Afrique du Sud, ses effets directs iniques ainsi que ses effets collatéraux dévastateurs. Nadine Gordimer traite ceci par le biais des amours illégitimes entre Sonny, un noir instruit, militant anti-apartheid et Hannah, une blanche sympathisante de la cause. Il a été publié en 1990, soit un an avant la fin de l’apartheid.
Le fils dont il est question dans le titre, c’est William, Will, le fils de Sonny et Aila. Oui, car Sonny est marié à Aila, noire comme lui, et ils ont deux enfants : Baby, la fille, et Will donc.
Le roman ouvre sur la découverte fortuite, au sortir d’un cinéma, de la relation illégitime de Sonny et Hannah par Will, le fils. Will comprend. Sonny comprend que Will a compris mais aucun des deux n’abordera le sujet avec l’autre, même si Will est miné par cette affaire et voit sa relation au père fortement dégradée.

« J’étais donc dans le hall où j’attendais pour entrer à la séance de cinq heures dans un des cinémas d’un nouveau complexe lorsque mon père et une femme sortirent de la séance précédente dans une autre salle.
Mon père était là ; lorsque nous nous sommes vus, c’est moi qui l’avais remarqué, et non l’inverse. Nous étions là debout, pendant que d’autres gens passaient entre nous. Puis il s’avança vers moi avec elle, l’air hébété de qui émerge à la lumière du jour au sortir de l’obscurité d’un cinéma.
Il dit : Tu te souviens d’Hannah, n’est-ce pas ? »


Ce qu’ils ne savent pas - croyant pourtant préserver Aila, la mère et femme - c’est qu’elle aussi a compris et mène une propre action qu’on ne découvre (on = nous ainsi que Will et Sonny) qu’à la fin du roman.
La trame évolue en permanence dans le non-dit – et pourtant tellement explicite – sur fond de combat anti-apartheid avec toutes les petites misères du petit matin d’un tel combat disproportionné. C’est magnifique de justesse, que ce soit les vicissitudes du combat de « David contre le Goliath » qu’est l’état sud-africain, ou l’histoire tourmenté de Sonny, déchiré entre son amour pour Hannah et le respect qu’il conserve pour Aila. Que ce soit également la dignité d’une Aila, sa détermination, qui va l’amener beaucoup plus loin que nul ne pouvait l’imaginer. Que ce soit aussi les errements de Will, partagé entre le dégoût qu’il éprouve de la trahison du père et la préservation du secret vis-à-vis de sa mère.
Magnifique roman d’apartheid et d’amour adultère !