Comme elle l’imagine
de Stéphanie Dupays

critiqué par Nathavh, le 13 mars 2019
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Amour et monde virtuel
Laure est professeur de littérature, spécialiste de Flaubert. C'est via les réseaux sociaux qu'elle a rencontré Vincent. Ils ont des goûts communs, les vieux films noir et blanc et la littérature.

Laure a hâte en rentrant de scruter son téléphone. Il faut qu'elle voie si Vincent est disponible, c'est addictif, viscéral. Elle décortique sa page FB, la moindre photo, le moindre like pour essayer de décoder, de connaître Vincent. Elle interprète le moindre signe.

Laure se sent bien dans leurs échanges, elle pense être amoureuse mais la relation n'est que virtuelle, ils ne se sont jamais rencontrés réellement. Est-ce possible de tomber amoureux et d'aimer sans se voir?

Aujourd'hui, via les réseaux sociaux, comment décoder si c'est de l'amour ou non?

Les codes changent, on est dans l'immédiateté, on voit si l'autre est connecté, on attend sa réponse illico alors qu'au 19ème les amoureux s'écrivaient, on attendait une semaine avant de s'inquiéter, et aujourd'hui si la réponse ne vient pas dans la minute , Laure s'imagine plein de choses.

Et le jeu de la séduction dans tout cela ! Dans un message on ne voit pas le regard, l'attitude, la gestuelle de l'autre, on n'entend pas le son de sa voix qui permet de comprendre tant de choses, le monde virtuel pose questionnement, interprétation? On est bien loin de ce qui les unit, la littérature, les mots de leurs livres qui nourrissent leur relation. Une fuite, une crainte de la réalité ?

Ce n'est qu'au bout de cinq mois qu'une rencontre aura enfin lieu. Où les mènera-t-elle ?

Un joli roman de Stéphanie Dupays dont je découvre la jolie plume, fluide, riche en références littéraires car on parle du virtuel, de la recherche de l'amour, de la solitude engendrée par nos petits écrans mais on parle aussi énormément de littérature.

L'imaginaire de Laura, ses lectures , les infos glanées sur les écrans font qu'avec ses indices, ses espoirs et sa réalité elle le décrit "comme elle l'imagine" , un roman qui nous parle aussi des changements de notre société et de l'addiction aux réseaux sociaux.

Je vous le recommande chaleureusement.


Une autre façon de résumer ce livre en lisant les jolies phrases !

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

L'amour, la mort, les deux choses qui font marcher le monde font aussi tourner les réseaux sociaux. (...) Une émotion malsaine, un plaisir à se sentir triste sans éprouver la douleur d'un deuil véritable.

Elle avait besoin des mots des autres pour décoder les êtres et les choses; interposer la littérature entre elle et le monde la protégeait.

A vingt ans, le célibat n'était qu'une étape qu'un avenir plein de promesses reléguerait au rang des souvenirs un peu pénibles; à trente, être célibataire commençait à devenir moins enviable, presque incongru. A presque quarante, Laure semblait entendre se former dans la tête de ses amis les pensées interrogatrices? "Qu'est ce qui cloche chez elle ?" ou réprobatrices "Quand va-t-elle enfin grandir ?".

Laure recueillait tous ces petits détails avec une attention extrême car, pour elle, dans des choses aussi infimes que le choix d'une étoffe, d'une matière, d'un objet, se situait le tremblement d'un être, sa singularité.

Les sentiments sont une énergie renouvelable, non ?

La photogénie n'existe pas, il n'y a que de mauvais photographes. Et, le plus important, c'est la préparation, un bon maquillage !

Internet crée une intimité virtuelle inédite ; on peut avoir peur de la briser dans le réel.

Face à son béguin virtuel, ces hommes n'avaient aucune chance car ils étaient réels alors que Vincent était une idée façonnée par Laure à l'image exacte de son désir.

L'Atlantide ! Comme toutes nos préférées, elle n'est pas réelle. Ça pourrait être le but d'une vie, trouver son Atlantide, se la fabriquer, ou au moins un endroit à soi qui y ressemble.

Une promesse de bonheur déçue était encore pire que rien du tout.

Facebook est un peu une salle de shoot, non ? On peut se sevrer avec des images, les regarder indéfiniment jusqu'à se convaincre de la présence de l'autre.