À la ligne: Feuillets d'usine
de Joseph Ponthus

critiqué par Killing79, le 10 mars 2019
(Chamalieres - 44 ans)


La note:  étoiles
Finalement hypnotisant
Présentation de l'éditeur
C'est l'histoire d'un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c'est qu'il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d'Apollinaire et les chansons de Trenet. C'est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l'odeur de la mer.


Mon avis:
Autant vous prévenir tout de suite, il s’en est fallu de peu que ce roman passe à la trappe. Lors des quatre-vingts premières pages, je n’ai pas accroché. J’ai été tout d’abord dérangé par le style. Joseph Ponthus a choisi une mise en page originale mais assez déstabilisante. Pour donner une musique à son histoire et calquer le rythme sur celui des chaines de production, il coupe ses phrases en plusieurs parties, en revenant très souvent à la ligne et sans aucune ponctuation. Cela accélère le tempo de la lecture, j’ai eu l’impression de lire comme un automate et de passer à côté de la profondeur des évènements.

Ensuite, dans cette première partie, le thème abordé m’a un peu lassé. Si vous n’avez jamais connu le travail en usine, ce texte va vous interpeller. En totale immersion, il va vous surprendre sur les dures conditions auxquelles sont confrontés les ouvriers de ces entreprises. Mais moi, qui ai vécu cette situation, lorsque j’étais lycéen durant mes vacances scolaires, j’ai eu l’impression de retourner derrière ces machines et je ne peux pas dire que j’en avais gardé un bon souvenir.

Ce dimanche après-midi, j’ai donc posé le livre, avec le souhait très rare chez moi, de l’abandonner. Le soir, les remords me titillant, j’ai quand même voulu donner une seconde chance au livre. Et là, sans pouvoir l’expliquer, la magie a opéré. Les lignes ont défilé devant mes yeux et j’ai été envoûté par le texte mécanique, plein de colère et de poésie. J’ai tourné les pages avec frénésie. Grâce à une écriture sobre et très accessible, je suis entré dans le monde de l’auteur en apnée pour n’en ressortir qu’à la fin, déboussolé.

Je ne sais pas si Joseph Ponthus est un futur grand écrivain. Je ne sais pas non plus s’il sera capable de se renouveler.

Mais en tout cas, avec « A la ligne »

il a créé une œuvre originale

et captivante

que vous ne lâcherez pas

si vous daignez persévérer

http://leslivresdek79.com/2019/03/…
L'aliénation par le travail 7 étoiles

Un livre qui a pour but de bousculer les bobos bienpensants en évoquant de manière brutale la vie en usine, l’abrutissement qui vous rentre dans la figure en utilisant un procédé littéraire qui a des détracteurs parce qu’il rend au mieux la détresse de l’homme, mais qui pour moi a aussi ses limites.

En effet, cela peut vite tourner sot mais donne aussi toute l’ampleur de cette existence de dingue, celui d'un intérimaire, nouvel esclave de notre époque, qui aurait finalement peu changé depuis 100 ans ; seules certaines modalités ou paramètres auraient un peu été décalés.

Ce récit autobiographique de Joseph Pontus, qui n’écrira que ce livre puisqu’il est décédé à l’âge de 42 ans d’un cancer, laisse une trace comme un cri, comme un appel à l’aide dans notre société productiviste qui détruit l’humain.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 2 septembre 2022


Odyssée de la vie ouvrière 6 étoiles

« L’autre jour à la pause j’entends une ouvrière dire à un de ses collègues
« Tu te rends compte aujourd’hui c’est tellement speed que j’ai même pas le temps de chanter »
Je crois que c’est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière
Ces moments où c’est tellement indicible que l’on n’a même pas le temps de chanter
Juste voir la chaîne qui avance sans fin l’angoisse qui monte l’inéluctable de la machine … »

Immersion dans le monde ouvrier. A travers ses « feuillets d’usine » sans ponctuation, Joseph Ponthus nous offre un aperçu du monde industriel sous forme de vers. Il a trouvé un boulot dans une usine agroalimentaire en Bretagne, en attendant de trouver un métier dans sa branche. Il reconnaît sa situation précaire en tant qu’intérimaire balancé du jour au lendemain entre conserveries de poissons et abattoirs bretons. Mais il résiste car il a eu la chance de connaître une autre vie, pendant laquelle il était travailleur social, et puis il y a sa femme aussi qui le soutient. Et les chansons, les auteurs, entre Brel, Trenet et Labruyère qui le sauvent. Les collègues aussi. Il profite des petits bonheurs simples de la vie, le dimanche, l’odeur de la mer … Ecrire, c’est pour lui une échappatoire pour tenir dans cette drôle de parenthèse de vie : le rythme effréné, les gestes répétés, les mycoses aux pieds, les risques encourus, …. Il traite tous ces sujets non sans humour, parce qu’il vaut mieux finalement en rire. A la manière d’une odyssée, il raconte sa vie ouvrière quotidienne pour ne pas sombrer et pour rendre un bel hommage à ces ouvriers, ces « gueules cassées ».

Psychééé - - 35 ans - 23 avril 2021


Le Charlie Chaplin des temps modernes aurait aimé ce livre 9 étoiles

« A la ligne
Feuillets d'usine »
livre de Joseph Ponthus
éditions la Table ronde
273 pages
juin 2020


Que fait-on quand on quitte la Région parisienne et qu'on veut s'installer dans une autre région ?
On prend le premier travail qui nous tombe sous la main.
C'est ce qu'a fait l'éducateur, Joseph Ponthus.
Las d'attendre un travail « enrichissant » « constructeur », il a pris celui que lui a trouvé l'agence d'intérim.
Il sera embauché à la journée dans le poisson et ses usines et dans les abattoirs bretons.
Beaucoup de ses amis se demandent s'il y arrivera...
Mais oui, c'est dur, c'est pénible, mais l'amour des lettres et de l'écriture le sauve.
Son corps est fatigué, ce qu'il vit chaque matin ou chaque nuit est éprouvant mais il raconte, se raconte et nous offre un livre qui ressemble à un film d'action (?)
J'exagère à peine.
Le rythme est soutenu, les phrases sont courtes et l'humour est là pour « adoucir » les mœurs et la douleur.
Qu'importe la santé des travailleurs . Si un audit survient tout sera fait pour que cela se passe bien.... On cachera ce qu'il faut masquer, tout sera astiqué pour l'examen de passage...

Quand les auditeurs seront partis, « on ressortira nos carcasses de merde. On s'en foutra comme tous les jours des prétendues hygiène et sécurité si importantes il y a dix minutes. ».

Nous ne sommes plus au début du siècle passé mais l'essentiel n'a pas changé, c'est le profit qui compte.

L'auteur était prêt à une longue carrière d'écrivain mais la faucheuse cancer l'a ravi aux siens et aux lecteurs. Il est mort à 42 ans.

Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 76 ans - 18 avril 2021