Les huit montagnes
de Paolo Cognetti

critiqué par Monocle, le 5 mars 2019
(tournai - 64 ans)


La note:  étoiles
excellent
Pietro est enfant unique. Ses parents sont des gens atypiques, lui rêve de montagnes et de sommets, elle de tranquillité et de lecture. Le couple acquiert une petite maison de vacances dans les Alpes italiennes là haut où aucune voiture ne passe.
Il a alors onze ans, il fait la connaissance de Bruno, enfant des hauteurs qui garde les troupeaux... il est seul, ils sont seuls mais deviendront amis.
Cette solitude est le lien entre les quatre personnages clés du roman.
Le seul couple qui parviendra à survivre dans l’histoire ici présentée (les parents du narrateur) mérite qu'on s'y attarde. Il est curieux de constater que chacun joue de façon rassurante son rôle en sachant que l'autre jouera le sien. Quand ils ont des discussions, ce ne sont pas de vraies discussions mais des dialogues écrits d'avance dont on devine immanquablement la chute et dans cette cage Pietro finit par étouffer sans jamais pouvoir trouver les mots pour le dire.
C'est ainsi que le fils ne voudra plus accompagner le père dans ces randonnées qui le rendaient malade à l'altitude où le végétal disparaît. Ceci sonnera le glas de la relation père-fils.

Qu'en penser ? D'abord un thème admirablement détaillé. Le lecteur subit une métamorphose et se retrouve presque le sherpa de ces amants de la montagne. C'est très prenant, un sujet original, différent. Un style aéré et un traduction parfaite.
Un avis très positif. Je conclus ce panégyrique par ceci.

Pietro avait onze ans et suivait le père de plus en plus haut. Là où il n'y a que des ruines, l'herbe est rare où absente, tout est pierrailles ou névés. Le soleil tape dur mais il fait toujours froid.
Et ce petit garçon s'interroge : "Dis papa pourquoi des gens sont venus habiter ici ?"
Et le père de répondre... "Parce qu'ils n'avaient pas le choix, en bas on les repoussait, les meutes expulsent, les petits chefs font leurs lois qui ne plaisent pas à tous. Certains baissent l'échine, d'autre s'élèvent"

Un excellent roman
Les figures du père et de l'ami 6 étoiles

J'ai apprécié la lecture récente de "La Félicité du loup" du même auteur. J'aurais donc dû un peu attendre et espacer ma découverte de ce texte qui a reçu l'équivalent du prix Goncourt en Italie, le prix Strega. Cette nouvelle incursion en montagne m'a quelque peu lassé même si je reconnais des qualités à ce roman ...

Pietro partait souvent avec ses parents à Grana, dans le Val d'Aoste. C'est là qu'il voyait son père se transformer quelque peu. D'homme fermé et taiseux en ville, il reprenait goût à la vie en partant en montagne, en découvrant de nouveaux chemins et de nouveaux paysages. Il communique cette envie à son fils. Pietro va sympathiser avec Bruno, un jeune garçon des montagnes avec lequel il partagera beaucoup de choses ... Le lecteur suit donc ces personnages sur plusieurs années au sein de la montagne qui façonne les êtres et semble vraiment un monde à part.

Un monde à part, tellement à part, que certains lecteurs pourraient rester sur le bas-côté. Je reconnais en avoir eu souvent assez des chamois, des troncs qu'on coupe, des activités montagnardes, du plaisir de déambuler dans ce genre de paysages, des refuges ... La montagne occupe un rôle capital dans ce roman, tout comme les activités que l'on peut y faire. Les descriptions réalistes de celles-ci m'ont un peu lassé, sans doute aussi car ce ne sont pas des paysages qui me font rêver. Ce n'est pas du tout la faute de l'auteur, juste un problème de sensibilité. Adulte, Pietro partira dans l'Himalaya et certains souvenirs vont se superposer avec le Val d'Aoste, c'est sans doute ces parties-là que j'ai préférées, tout comme une légende narrée dans le roman qui ajoute de la profondeur au texte, au du moins un second degré.

Cette amitié est belle et intéressante. Elle est sincère aussi sans tomber dans la naïveté. La cellule familiale est bien dépeinte quant à elle et permet de se projeter. Comme Marvic, j'ai eu l'impression constante d'être confronté à des situations déjà vues dans des romans ou des films. Le roman a quelque chose de suranné comme s'il n'était pas de notre époque. C'est sans doute aussi lié au monde de la montagne qui semble bien plus préservé des changements que nos villes. Ce roman ne m'a pas touché. Je suis un peu resté à l'extérieur et j'ai eu des difficultés à le terminer. Il possède des qualités, mais ne m'a pas enthousiasmé ... La dernier roman de l'auteur m'a davantage séduit.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 21 décembre 2021


Le legs 7 étoiles

Pietro vit à Milan entre une mère aimante, assistante sociale consciencieuse et dévouée, et un père chimiste, irascible. Leur point commun est l’amour de la montagne.
La famille, après différents lieux de vacances, loue une petite maison dans le village presque oublié de Grana.
Où habite Bruno. Très vite les deux jeunes garçons passent leurs journées ensemble.
Pietro suit avec peine son père dans ses ascensions, essayant toujours d’être le fils dont il rêve, de répondre à ses attentes, à ses exigences, au mépris de ses propres douleurs, de ses propres faiblesses. Une relation sans paroles qui fait souffrir l’enfant.
Jusqu’au jour où, adolescent, il refuse de l’accompagner.

Pietro part à Turin, s’éloignant de ses parents jusqu’à la mort de son père et la découverte d’un étrange legs, une parcelle de terre et quelques murs, près d’un lac de montagne au dessus de Grana. Mais le père a pris soin, avant de partir, de confier la reconstruction telle qu’il l’a dessinée, à Bruno, devenu maçon.
Pietro retrouve donc la montagne telle qu’il l’avait quittée. Et Bruno, comme si rien n’avait changé.

Superbe histoire d’amitié entre deux hommes qui ont en commun l’amour de la montagne ; et qui, comme le font souvent les hommes, vont prouver tacitement leur amitié, en étant là, au bon endroit, au bon moment, dans l’action, le partage silencieux des tâches, des reconstructions.

Une belle écriture, des récits de montagne superbes, une formidable histoire d’amitié, mais pourtant, je n’ai pas été emportée par ce récit. Une impression de déjà-vu, déjà-lu, particulièrement sur les chapitres concernant son père, l’incompréhension entre les deux hommes, le questionnement post-mortem.
S’ajoutent à ça, des difficultés à retrouver la chronologie de certains événements.
Donc pas de coup de cœur pour moi (contrairement à la bibliothécaire) mais quelques très beaux moments de lecture.

Marvic - Normandie - 66 ans - 25 septembre 2019