Cet étrange nazi qui sauva mon père
de François Heisbourg

critiqué par Septularisen, le 20 février 2019
( - - ans)


La note:  étoiles
L'ODYSSÉE OUBLIÉE DU BARON VON HOININGEN
François HEISBOURG (*1949), qui nous a plus habitués aux livres de Géostratégie change ici complétement de registre et nous propose la biographie de «l’étrange » baron Franz Von HOININGEN (1888-1973). Né en Alsace (alors en Allemagne), militaire bardé de décorations et blessé au cours de la Première Guerre Mondiale, démobilisé en 1920, il fait ensuite un beau mariage avec une riche héritière luxembourgeoise, Marie-Amelie (Mia) de la FONTAINE en mai 1922. Il vit une retraite paisible dans un maison cossue d'un des quartiers bourgeois de Luxembourg-Ville et ne fait guère parler de lui, si ce n'est comme viticulteur. Mais, en 1933, il adhère spontanément et de sa pleine volonté au parti nazi, ainsi que sa femme. Il réaffirme même sa volonté de servir le IIIème Reich et de retourner dans la Wehrmacht.

Sa demande sera refusée. Il est quand même, réaffecté comme officier administratif suite à l’annexion (comme pour l’Alsace et la Moselle) et non pas l'occupation, du Luxembourg par l’Allemagne nazie . Mais, dès juin 1940, au début de l’invasion allemande donc, très étrangement, il est devenu un... Résistant! A-t-il été «touché par la grâce»? Déçu par le nazisme? Est-ce une vengeance pour ne pas avoir été réintégré dans la Reischwehr? On ne le saura jamais. Toujours est-il que Von HOININGEN, qui passe volontiers pour un antisémite réactionnaire, conservateur et rétrograde de droite, va pourtant se mettre à sauver les juifs et les résistants luxembourgeois (dont le père de l’auteur d'ailleurs, d’où le titre de ce livre…)…

En effet, nommé au poste de chef de la "Passierscheinstelle", il délivre et signe les papiers servant de «laisser passer» dans les territoires occupés par l'Allemagne nazie pour la population civile. Il fait donc volontairement «sortir» les personnes de confession juive du Luxembourg pour leur sauver la vie… Environ 500 juifs du Luxembourg (il y en avait environ 2000 dans le pays à cette époque) en profitèrent, ainsi que de nombreux résistants. Il est à noter que le Baron et sa famille ne diront jamais rien de tout cela, même bien après la guerre.

Malheureusement pour lui, Franz Von HOININGEN est aussi un peu une «grande gueule»! Un soir à la terrasse d’un restaurant à Paris, après un repas bien arrosé, il se "lâche" un peu trop, et perdant toute retenue, il dit tout le mal qu’il pense de la guerre, d'Hitler, de ses généraux, de la campagne menée contre la Russie et des Nazis. Inutile de dire qu’il est immédiatement dénoncé pour ses propos… Il remettra même cela l’année suivante, à Berlin… Plus rien ne peut alors le protéger de la Gestapo, il risque au mieux le bagne au pire… La peine de mort!..

C’est une très belle histoire, celle d’un homme qui un jourà fait un choix, le bon choix! C’est bien écrit, cela se lit bien, facilement et le travail de recherche de l’auteur très est intéressant et très approfondi. On sent qu’il maîtrise ses dossiers et son sujet à fond, mais aussi ses tenants et ses aboutissants… La première partie est vraiment excellente et je l’ai littéralement dévorée!

La deuxième partie par contre m'a nettement moins intéressé (a l’exception notable de la partie dédiée au père de l’auteur). Je n’ai pas vraiment compris ce que vient faire là cette partie? Je comprends que l’auteur veuille expliquer son concept de «La banalité du bien» [par opposition à la «Banalité du mal» chère à Hannah ARENDT(1906-1975) ], mais qu’est-ce que cela vient faire ici? Pourquoi essayer de comprendre et d'expliquer ici le concept qui fait qu'à un moment donné on passe du mal au bien? Et quelle est l’alchimie de cette «banalité du bien»? Non pas que cela ne soit pas intéressant, au contraire! Mais, rappelons ici que ce livre est une biographie! Ne fallait-il pas dès lors plutôt écrire un autre livre ? Un livre de nature philosophique, pour y exposer ses théories, plutôt que de plus ou moins maladroitement, insérer le tout dans une biographie?

Je termine donc ma lecture un peu déçu. J’aurais quand même préféré que l'auteur développe beaucoup plus l’histoire du Baron, que la partie «philosophique» du livre. Et de nous dire p. ex. ce qu'il en est de l’avancement du dossier pour la reconnaissance du Baron Franz Von HOININGEN, au titre de «juste parmi les nations», par le mémorial Yad Vashem?...