Trou de mémoire - Intégrale
de Roger Seiter (Scénario), Pascal Regnauld (Dessin)

critiqué par Shelton, le 13 février 2019
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Excellent, tout simplement...
Puisque Pascal Regnault nous fait le plaisir de venir à Chalon-sur-Saône, le samedi 16 février à partir de 15h à la librairie L’antre des bulles, parlons de son travail car il n’y a pas que la nouveauté qui doive retenir notre attention. En effet, en dehors de sa collaboration avec Benoît Sokal dont nous reviendrons rapidement parler, il y a eu un très bon diptyque, en 2015/2016, aux éditions du Long Bec, avec le scénariste Roger Seiter, le duo que nous venons de lire avec « Balle tragique pour une série Z ». Cette histoire que l’éditeur vient de sortir en Intégrale est elle aussi excellente et elle mérite plus qu’un détour au moment de rencontrer le dessinateur…

Alors, je sais bien que certains vont encore s’agacer en ouvrant « Trou de mémoire » ! Encore une histoire avec un amnésique… Vous ne trouvez pas qu’il y en a assez comme cela ? Oui, je peux entendre que le filon scénaristique n’est pas de toute première jeunesse, qu’il faut être prudent, que l’on pourrait bien être déçu… En même temps, le théâtre de boulevard peut encore faire rire s’il est bien écrit et joué tout en parlant pour la énième fois du triangle amoureux… Non ? Alors, voyons ce que Roger Seiter fait de son amnésique…

Un homme se retrouve sur une scène de crime, blessé, avec une arme et plus aucun souvenir. Jusque là c’est bien propre, classique et efficace. L’homme ne sait même plus qui il est, ne reconnaît pas la victime qui est à côté mais il semble avoir un vieux réflexe de survie : il faut fuir avant que la police arrive car je serais dans l’impossibilité de répondre à ses questions !

Les premières planches sont magistralement exécutées par Pascal Regnault qui propose là une narration graphique forte, sombre, prenante et un personnage que l’on a envie de suivre dès le départ… La voix off proposée par Roger Seiter va nous accompagner jusqu’à la fin de l’histoire avec à la fois la pure tradition noire américaine et aussi un petit je ne sais quoi de cynisme, de dérision, de distance qui finit même par faire sourire… Et c’est ce que j’adore dans cette histoire !

A la fois, on se dit que tout est écrit, qu’il n’y aura pas d’autre issue que celle que l’on devine rapidement et, en même temps, on est pris par le suspense car tant qu’il y a le moindre doute on préfère lire l’histoire… On ne sait jamais… Et on a bien raison de le faire car le scénariste joue avec son lecteur avec bonheur… Jamais rien n’est définitif avec Seiter, les fausses pistes sont bien là, les pièges sont nombreux… Et notre personnage va bien avoir du mal à retrouver son identité… Enfin, attention, ici on n’est pas dans XIII et le diptyque offrira au lecteur toute l’histoire sans avoir besoin d’attendre le 137ème album…

Le récit est mené à travers trois visions qui se croisent, s’enrichissent, se complètent, se répondent… Il y a l’homme qui cherche son identité, il y a la police qui a le cadavre initial – je dis initiale car ce ne sera pas le seul, bien sûr – et il y a la sacrée mafia car elle est bien là ! On commence sur la côte Ouest et on termine sur la côte Est, et on sent bien que Roger Seiter a décidé de rendre hommage à certains romans et films américains qui ont bercé sa vie, lui qui aime tant le polar et le noir ! On est parfois dans l’hommage, certains y verront des citations, des clichés… Bref, on y est vraiment !

La fin attendue arrivera réellement mais peut-être que ce n’est pas celle que vous attendiez alors allez quand même vérifier ! Moi, j’avoue avoir adoré cette façon de jouer avec l’histoire et les personnages, avec cette culture policière américaine et cette petite pointe d’humour – noir, c’est évident – m’a enchanté…

Quant au dessinateur, c’est fascinant de voir comme le duo devient une certitude. On se dit que personne ne pouvait aussi bien mettre en chair ce scénario de Seiter. Pascal Regnault ne fait plus du Canardo ou du Sokal, il ne fait pas plus du Regnault, il fait, que dis-je, ils font du Seiter-Regnault et c’est tout simplement exceptionnel ! Ce Trou de mémoire est absolument à lire !