La guerre des pauvres
de Éric Vuillard

critiqué par CHALOT, le 7 février 2019
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
Une des épopées des sans rien
La guerre des pauvres
récit d'Eric Vuillard
éditions Actes Sud
68 pages intenses
janvier 2019


Ce livre tombe à pic.... L'irruption du mouvement des gilets jaunes a-t-elle inspiré l'auteur ?
Peut-être.... Mais aujourd'hui comme avant-hier à la fin du Moyen Age, au début de la Renaissance ou après, les damnés de la terre qu'on n'attendait pas, jaillissent et se montrent courageux et plus que téméraires.
Ils vont jusqu'au bout, quitte à tout perdre.
L'auteur nous raconte l'épopée oubliée de Thomas Münter qui au début du 16ème siècle a pris la tête en Allemagne d'une révolte armée.
Rien ne le prédestinait à diriger de main de maître un mouvement insurrectionnel.

Homme de foi, partisan de la Réforme, opposé au catholicisme ambiant et même à Luther...
Il veut en revenir à la religion du pauvre donc s'oppose à ceux qui à Rome et ailleurs ont oublié les leçons du passé et les origines du christianisme pour soutenir les puissants et écraser le peuple.

Prêtre auxiliaire, il laissera la messe en latin incompréhensible pour passer à l'allemand, la langue du peuple.....
Il prendra la tête de l'armée des paysans.
Voilà ce qu'il écrit :
« Ne flattez pas vos princes, sinon vous vous condamnerez à la ruine avec eux. Doux savants, ne m'en veuillez pas, il m'est impossible de parler autrement. »

C'est le soulèvement d'un homme ordinaire comme c'est expliqué dans un chapitre de ce livre.
Il fut comme d'autres avant lui, en Angleterre et ailleurs, un sans rien ou presque, un inconnu qui prit la tête d'une armée de gueux, vaillants et déterminés....

Il y perdra lui aussi sa vie mais pas sa dignité .
« Sa tête sera empalée. Son corps sera traîné sur l'estrade et puis jeté aux chiens » mais l'indignité, ce n'est pas lui mais ses bourreaux.

Combien de sans grade, de paysans, d'ouvriers, de pauvres, de sacrifiés sur l'autel dressé par les nantis mais l'histoire ne s'arrête pas, elle continue et si l'auteur termine son livre sur cette note : « Le martyre est un piège pour ceux que l'on opprime », il rajoute en point d'orgue « seule est souhaitable la victoire. Je la raconterai. »

Jean-François Chalot
Les ancêtres des gilets jaunes… 8 étoiles

Né vers 1490 à Stolberg dans une famille pauvre, Thomas Müntzer perdit très jeune son père, pendu pour avoir déplu à un comte. Il fit néanmoins de bonnes études de théologie à Leipzig et devint curé à Halberstadt et Brunswick. Partisan de Luther, souvent renvoyé de ses paroisses, il devient prédicateur à Zwickau en 1520. Il s’installa ensuite à Allstedt où il écrivit ses « Protestations ». Ses messes dites en allemand eurent un grand succès auprès des petites gens tout heureux d’enfin comprendre ce que racontaient les textes liturgiques. Une énième révolte paysanne se déclencha sur les terres du prince Albert de Mansfeld. De partout, les gens se rassemblaient formant une troupe hétéroclite, mal armée et mal ravitaillée, qui devait affronter des troupes de mercenaires disposant de canons. Müntzer prit la tête de la cohorte de gueux. Mais tout se termina dans un bain de sang. Cinq mille paysans furent passés par les armes. Le curé fut emprisonné et décapité le 27 mai 1525 à Mülhausen, devant toute la haute noblesse de la région…
« La guerre des pauvres » est court roman (92 pages) basé sur un fait historique relevant des révoltes paysannes qui furent fort récurrentes pendant de nombreux siècles en Allemagne tout comme en France avec nos « Jacqueries » et qui atteignirent leur apothéose avec la révolution de 1789 et toutes les autres, la guerre de Vendée, 1830, 1848 et la Commune de Paris en 1870. Tous ces soulèvements populaires contre l’oppression royale, ecclésiastique, ou républicaine s’achevèrent systématiquement dans des répressions féroces, le dernier en date étant le mouvement des « Gilets jaunes ». Le style de Vuillart est agréable, léger, facile à lire et un tantinet minimaliste. Pas de descriptions interminables, ni d’états d’âme alambiqués, juste l’essentiel, rien que l’essentiel. « Close to the bone », comme disent les Anglo-saxons. L’inconvénient de cette qualité c’est qu’on termine le livre en restant un peu sur sa faim. On aurait aimé en savoir un peu plus sur ce fou de Dieu révolutionnaire protestant finissant par contester Luther lui-même et sur ces révoltes populaires si peu ou si mal étudiées dans les cours d’histoire. Merci à Eric Vuillard d’avoir braqué son projecteur sur ce personnage assez peu connu chez nous.

CC.RIDER - - 65 ans - 25 novembre 2022


Pépite 10 étoiles

" La guerre des pauvres" d'Eric Vuillard (68p)
Ed. Actes Sud

Bonjour les lecteurs ....

ATTENTION ... Voici le dernier bébé d'Eric Vuillard et c'est UNE PEPITE !

Ce petit opus raconte, en 68 pages, la révolte paysanne allemande de 1525, autour de Thomas Müntzer.
Révolte qui a fasciné, par la suite, Friedrich Engels et Karl Marx.

Thomas Müntzer a 15 ans lorsqu'il assiste à la pendaison de son père.
Dans un pays où la Réforme se met en place ainsi que l'imprimerie, il devient un prédicateur mystique et va essayer de soulever les paysans et les masses laborieuses contre les princes et ecclésiastiques.
Il préconise l'accès aux textes saints dans une langue compréhensible de tous et un partage des richesses, ce qui fait gronder les nantis.

Vuillard ébauche également les révoltes paysannes qui ont sévi en Angleterre un peu avant cette époque.

Bienvenue dans l'histoire de la guerre des pauvres, des exaspérés, racontée sur un rythme endiablé.
Ce sont les anonymes, les "sans noms" , les soulèvements des hommes ordinaires qui font changer l'Histoire... ne l'oublions jamais.

Certains y verrons un clin d'oeil au combat mené par les gilets jaunes ...le combat actuel regroupe-t-il les mêmes idéologies? Est-ce vraiment une guerre des pauvres? c'est discutable, et je ne me prononcerai pas.

Savoureux et décapant, ce mini récit se déguste, se savoure petit à petit comme une truffe au chocolat.
Une bombe!

Quelle prouesse en 68 pages et quelle fin !
tout s'est passé trop vite .. ce récit mériterait une relecture .. une re-relecture

Faby de Caparica - - 62 ans - 1 mai 2019


Révolte éternelle 6 étoiles

L’auteur évoque en 68 pages dans un style très travaillé une révolte peu connue dans nos contrées de France et de Navarre, soit celle de Thomas Müntzer, un prédicateur du 16e siècle qui la mena avec des paysans illettrés et des déshérités contre les princes et les nantis.

A l’heure d’une révolution technologique, soit l’imprimerie, on ne peut éviter de faire le parallèle de cette époque avec la nôtre qui vit aussi d’énormes chamboulements technologiques et qui crée bon nombre de laissés pour compte.

Alors, c’est en effet un texte remarquablement bien écrit, mais cela implique une connaissance de cette révolte ( et il y en eu pas mal d’autres) pour pouvoir apprécier de manière pleine et entière un tel récit.

A la rigueur donc…

Pacmann - Tamise - 59 ans - 27 avril 2019