Naufragé volontaire
de Alain Bombard

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 31 janvier 2019
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Un homme juste peut-il sauver le monde ?
Alain Bombard a été le héros de toute une génération. Je me souviens qu’au collège, quand nous devions choisir un sujet d’élocution, il y avait toujours un élève qui choisissait Alain Bombard. Et il le méritait bien ! Son exploit a été vraiment sensationnel. Il s’est passé en 1952. Cette année-là, quand des nouvelles d’Alain Bombard avaient paru dans une journal, elles étaient commentées par tous les collégiens aussi passionnément que les performances du Standard ou du Football-Club-Liégeois.

A cette époque il était admis que des naufragés, en pleine mer, pouvaient survivre trois ou quatre jours tout au plus. Mais Alain Bombard, qui était médecin, avait étudié les conditions de survie des naufragés. Il en avait conclu que, moyennant quelques précautions et surtout beaucoup de courage, il était possible à un naufragé de tenir le coup, seul sur un dinghy, un temps suffisant pour que viennent les secours. Mais personne ne le croyait. On le traitait de rêveur, d’ignorant, de fou… Alors, pour prouver qu’il avait raison, il l’a fait.

Son but était de sauver des vies. Mais si Alain Bombard était courageux, il n’était pas téméraire. Il n’avait rien laissé au hasard. Il avait commencé son expérience en Méditerranée avec un coéquipier pour voir de quoi il était capable. Après avoir embarqué à Monaco sur un dinghy qui leur laissait 4 m² comme espace vital, ils avaient parcouru 1500 milles pour arriver à Tanger ; et là son coéquipier l’avait abandonné. Il avait alors décidé de continuer l’expérience seul et s’était lancé à travers l’Atlantique.

Son livre « Naufragé volontaire » raconte son exploit.

On pourrait s’imaginer que le récit d’un homme seul sur les océans pendant des jours et des jours est forcément monotone à en mourir. Et bien pas du tout ! Et c’est la surprise du jour. Son livre est passionnant de bout en bout. Il se lit comme un thriller de la première à la dernière ligne. Et pourtant on connaît la fin de son aventure, on sait qu’il a réussi : il a traversé l’Atlantique tout seul sur un dinghy.

Ça n’empêche qu’on vibre, on rit, on pleure et on s’angoisse du début à la fin. Est-ce que cette maudite baleine qui tient absolument à renverser le petit rafiot finira par renoncer ! Est-ce que les coups de rame du naufragé arriveront à décourager ce terrible espadon qui veut absolument crever son minuscule dinghy ! Est-ce que ces vagues immenses qui déferlent sur son frêle esquif finiront par le faire couler ! Est-ce que le malheureux Bombard qui est tombé à l’eau et qui nage, qui nage, qui nage, finira par remonter sur son embarcation ! On voudrait l’aider, lui tendre la main, lui lancer une corde et... on n’en peut plus ! Chaque minute de sa folle équipée est une aventure incroyable ; et le plus amusant est qu’il nous raconte tout ça, tout simplement, comme s’il s’agissait d’une randonnée en forêt.

Le plus drôle, c’est que notre marin est beaucoup plus angoissé quand les autorités de l’île des Caraïbes où il finit par atterrir, lui refusent le permis d’accoster… Et le plus touchant, j’ai trouvé que c’était l’aveu de cette hôtesse dans l’avion qui le ramène à Paris : l’avion vibre et perd de l’altitude, c’est la nuit, l’océan se rapproche… Alors l’hôtesse dit à Bombard « si l’avion tombe je voudrais me retrouver avec vous dans un canot de sauvetage... »

La lecture de la biographe des grands hommes et des grands exploits de l’humanité nous réconcilient avec le monde. Moi j’aime bien cette promesse de Dieu à Abraham dans la Genèse : « s’il y a un seul homme juste dans la ville, la ville sera sauvée ». Est-ce qu’un seul homme juste pourrait sauver le monde ? Allez savoir ! Mais on se dit que tant qu’il y aura des Alain Bombard sur la terre rien n’est perdu ; on en arrive même à se dire, qu’un jour, peut-être, grâce à de tels modèles, le monde sera meilleur.