La belle de Joza
de Květa Legátová

critiqué par Myrco, le 22 janvier 2019
(village de l'Orne - 75 ans)


La note:  étoiles
Magnifique
Pendant la seconde guerre mondiale en Tchécoslovaquie occupée, une jeune femme, Eliska, médecin dans un hôpital sert d'agent de liaison pour la résistance. Sous la menace d'une arrestation par la Gestapo, elle se voit contrainte de disparaître dans l'urgence. Profitant du retour d'un de ses patients dans ses montagnes moldaves, on l'expédie avec lui sous une fausse identité. Tout est organisé, elle devra l'épouser et devenir Madame Joseph (Joza) Benda. L'homme est d'apparence fruste, horriblement défiguré par un accident, et la situation imposée plonge la jeune femme dans un abîme de colère et de désespoir, d'autant qu'elle découvre à l'arrivée un monde totalement étranger, arriéré dans son mode de vie , ses mentalités... mais qui va bientôt lui ouvrir d'autres perspectives.

Ce récit à la première personne (il s'agit en fait d'une longue nouvelle d'environ 150 pages) est celui d'une immersion et d'une métamorphose en même temps qu'une ode à une vie simple, un hymne à l'amour vrai, profond, débarrassé de tous les artifices, une ouverture vertigineuse et inattendue pour la narratrice sur la beauté, celle de la nature et de certains sentiments, d'autant plus sensible ici que le contexte illustre bien des aspects sombres et mesquins de la nature humaine.
Si la relation Joza/Eliska rappelle inévitablement "La belle et la Bête", si l'histoire offre quelques clins d'œil à l'univers des contes entre Zéna, la "fée" créative, et Lucka, la vieille "sorcière" aux talents de guérisseuse, deux femmes au caractère bien trempé qui accompagneront Eliska dans sa nouvelle vie, le récit n'en demeure pas moins réaliste, ne succombant à aucune mièvrerie et n'éludant pas au final les atrocités d'une guerre dont nos "héros" auront un temps été protégés. C'est au contraire un récit fort, servi par une fine analyse psychologique et une belle écriture parfois elliptique que nous livre Kveta Legatova, un récit trop court à mon gré dont j'aurais aimé prolonger la lecture avant que la fin ne vienne en rompre la magie.

Citation:
" Les chercheurs de trésors commettent une funeste erreur en regardant au loin."

N.B: L'auteure aujourd'hui décédée n'aura connu la notoriété et le succès qu'à l'âge de 82 ans avec la parution de son ouvrage "Ceux de Zélary" en 2001.
Magnifique 10 étoiles

En Tchécoslovaquie occupée durant la seconde guerre mondiale, la population était très tiède face aux nazis. La Gestapo était particulièrement aux abois.
Le mouvement Sokol (Faucon), organisation sportive fondée en 1862, avait à Prague un rassemblement annuel qui se tenait dans le stade de Strahov depuis 1929. Le « dernier » défilé est resté dans les mémoires comme une manifestation de refus d’allégeance à l’Allemagne nazie : les participants tournaient le visage dans la direction opposée à celle de la tribune présidentielle. Le mouvement, dissous, passa ensuite dans la clandestinité et participa à la résistance.
Eriska, notre narratrice, jeune femme médecin dans un hôpital, sert d'agent de liaison avec la résistance.
On craint qu'elle ne soit dénoncée aussi on l'exfiltrera avec un de ses patients, Joseph Benda (dit Joza). Ce dernier est natif des montagnes moldaves, une région impénétrable ou presque.
Joza est défiguré et on le considère comme un peu attardé. Il est cependant doté d'une force extraordinaire. Cependant pour pouvoir être acceptée dans cette région reculée de tout où elle trouvera asile, Eriska devra épouser Joza.
C'est à partir de là que toute la beauté du roman s'exprime. La description de ce petit monde hors du temps, avec ses codes tacites.
D'abord le village qui était formé de quelques clans qui se suffisaient à eux-mêmes. La seule personne qui n’appartenait à aucun d’eux, et en même temps à tous, était Lucka Vojničová, la guérisseuse, celle qui voyait dans les âmes.
Dans ces chaumières de montagne où les gendarmes ne s’aventuraient pas à moins d’être deux, et encore soupiraient-ils de soulagement s’ils ne s’étaient pas pris un "eustache" entre les côtes, Lucka entrait sans craintes et, bien entendu, sans invitation.
Les relations entre Eriska et Joza sont empreintes de tendresse et d'affection. Bien que le mariage ne soit jamais consommé au terme technique, l'amour entre ces deux là est bien réel.

Tout a une fin... les romans et les guerres aussi. Erika quittera ce coin de paradis. Elle prononcera cette phrase : "je suis comme un soldat au rythme du tambour. Mon âme m’a abandonnée. Elle erre sur des versants montagneux et monte la garde auprès d’inutiles tombeaux."

Je dois avouer avoir eu du mal à entrer dans ce livre mais une fois les lieux et les personnages localisés tout devint facile et doux comme un caresse. Le style, sans être somptueux, est juste et parfaitement traduit.
Il n'y a pas d'âge pour écrire, l'auteure, Kveta Legatova, avait plus de 80 ans quand elle écrivit ce magnifique roman.

Monocle - tournai - 64 ans - 9 août 2023


Un village tchèque 6 étoiles

La belle de Joza se déroule dans un contexte historique grave (l’occupation de la Tchécoslovaquie par les Nazis) mais brosse aussi le portrait d’une étrange communauté villageoise, aussi sévère que généreuse, qui abrite Eliska, une jeune femme ayant trempé dans des actes de résistances et fuyant la Gestapo. Des individus hors normes habitent ce curieux village de Zelary, au fin fond de la Bohême, notamment Lucka Vojnicova, une vieille femme revêche, sorte de Babayaga guérisseuse et surtout Joza, un géant doux qu’on dit simplet, à la gueule cassée et à la force redoutable, qui lui fera office de mari

C’est une ambiance de « réalisme magique » qui baigne une bonne partie du roman, comme un conte. Raconté à la première personne par Eliska, nous sommes partagés entre sa peur de la Gestapo et la redécouverte d’un environnement rural rude, où les habitants peuvent s’avérer sauvages comme la Nature sombre des montagnes qui surplombent le village. De fait les moments de tension sont nombreux…

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre, très bien écrit et assez immersif, à tel point que j’ai presque regretté, comme Myrco le dit d'ailleurs aussi dans sa critique, que certains passages soient un peu rapides, en particulier les tous derniers chapitres.

Fanou03 - * - 49 ans - 23 août 2019


La fuite ne produit qu’un retour au point mort 10 étoiles

D’entrée de jeu on est plongé dans la guerre, ou plus exactement dans la résistance et très vite la belle se retrouve isolée dans un bled perdu, avec un mari sur les bras…
Ce beau roman, racontée par l’héroïne elle-même donne à cette histoire un aspect réaliste, et touchant sur la beauté de l’âme pendant la guerre.

Pierrot - Villeurbanne - 72 ans - 16 mars 2019