Buiten
de Michaël Lambert

critiqué par Débézed, le 4 janvier 2019
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Dégage !
Pour bien comprendre ce texte en forme de pamphlet, de conte, de fable, ou d’autres choses encore, selon la manière dont on le lit, il est nécessaire de connaître la signification du mot buiten qui revient très souvent sous la plume de l’auteur et qui sert même de titre à ce petit roman. L’éditeur a eu la fort bonne idée d’en donner une définition assez complète dont je ne reproduis ici que l’essentiel : « Buiten : adverbe flamand signifiant « à la porte » ou « dehors » ou encore « dégage » selon l’expression dans laquelle il est utilisé… », avec ça vous comprendrez vite ce qu’il signifie dans ce texte.

L’auteur explique son job, son job bien payé, facile à exercer : il lui suffit de signaler les erreurs des autres employés à sa hiérarchie qui se charge des sanctions et la sanction elle ne varie jamais : buiten, dégage, dehors ! Mais cette fonction comporte un inconvénient majeur : sa conscience accepte mal qu’il soit l’agent déterminant de l’expulsion de ses collègues, au point qu’il finit par organiser son propre licenciement qu’il déguise en démission aux yeux de sa femme et de sa fille. Il propose alors à celles-ci de tout plaquer et de partir en vacances loin de toutes contraintes et toutes obligations. « …. Je les ai convaincues de tout quitter, de changer de vie pour partir en vacances, en vacances non contractuelles, en vacances à durée indéterminée ».

Commence alors un périple burlesque, surréaliste où tout devient facile, où toutes les contraintes sont oubliées, gommées, même les remarques pleines de bon sens formulées par l’épouse ne sont plus que prétexte à la conquête de nouvelles libertés. Le train ira où les voyageurs veulent aller, les enfants ne suivront pas forcément les parents, les épouses ne suivront peut-être pas les maris, tout devient libre, libertaire. La famille invente un nouveau mode de vie sans hiérarchie, sans gouvernant, sans pouvoir, sans argent, … un mode vie pour le plaisir de chacun.

Michaël Lambert propose un texte à la mesure du monde dont il rêve, un texte jouissif, jubilatoire, fantasmagorique, prônant la liberté pour tous. Ce conte social, philosophique, fantastique, surréaliste, on peut lui accoler toute une pléiade d’adjectifs, n’est pourtant pas dénué d’un réel bon sens. C’est un véritable pamphlet à l’adresse de la société de consommation, du productivisme, conçus pour l’enrichissement et le bonheur de quelques-uns seulement. C’est une alerte, une invitation, à l’adresse de tous les lecteurs et citoyens pour qu’ils se sortent du piège dans lequel ils sont tous enfermés et qu’à leur tour ils adressent un buiten ferme et définitif à l’intention des quelques-uns qui profitent du travail de tous les autres. Buiten les patrons, les présidents, les gouvernants, le monde appartient à ceux qui le construisent avec leur sang et leur sueur.