Vichy Saccharine
de Gérard Boursier

critiqué par ATER, le 30 décembre 2018
(Roanne - 28 ans)


La note:  étoiles
Ersatz d'histoire locale
Roman historique dont tous les faits sont approximatifs voire carrément faux. Le privilège du roman historique est sans doute de pouvoir prendre des licences toutes poétiques avec la vérité, ce dont l'auteur avertit d'ailleurs le lecteur en s'excusant d'avance par un avant-propos. Mais il y a ici deux choses particulièrement gênantes. La première, c'est l'ambiguïté que cultive l'auteur d'abord en ne changeant aucun nom - Germigny, La Guerche, Sancoins, Nérondes... il conserve même le nom des rues (la Chaume-Mornay, etc.) - et ensuite en se présentant comme témoin direct des faits sur place sous l'Occupation.

Le lecteur est donc insensiblement invité à penser que le livre, même si l'intrigue principale est fictive (mais il n'y a même pas d'intrigue principale dans ce "roman"!), présente au moins un côté documentaire intéressant.

Il n'en est rien. Tout ce qu'il raconte est parfaitement romanesque, voire parfaitement absurde. Ainsi, comme absurdité: la domestique de Château-Renaud, femme d'un collaborateur présumé (dont personne ne se souvient), quand son mari est gravement blessé dans des circonstances opaques et qu'il est transféré à l'hôpital de Sancoins, lui rend visite en faisant l'aller-retour Germigny-Sancoins tous les jours A PIED (!) parce que les courageux résistants de Germigny refusent de l'emmener. Eh bien, j'ai beau avoir été sportif toute ma vie et même athlète de haut niveau pendant quelques années, ces 30 kilomètres d'aller-retour, je serais bien incapable de les faire deux jours de suite. Faut-il croire qu'une femme l'a fait tous les jours, bravant la pluie, le vent et la neige, et dans les chemins ravinés qui existaient à l'époque? C'est invraisemblable, comme tant d'autres choses.

Et voici la deuxième chose que je trouve gênante, car ces invraisemblances font subsister un certain malaise: a-t-on le droit, pour parler de cette époque tragique, de mélanger les éléments? Un peu de décence aurait au moins dû imposer de troquer les noms de villes, de villages ou de rues contre des noms à mi-chemin entre le réel et la fiction afin de faire prendre au lecteur trop confiant le recul nécessaire.

Alain Rafesthain, le grand spécialiste de la Résistance dans le Cher, que j'avais harcelé à une époque pas si lointaine pour qu'il me recommande des références locales ne m'avait jamais parlé de ce livre que j'ai découvert par hasard. Je comprends mieux pourquoi à présent que je l'ai lu, en surmontant d'ailleurs mon aversion pour le style absolument épouvantable de l'auteur: syntaxe confuse, fautes, etc. Evidemment, je ne recommande pas sa lecture.