Le Théâtre de Dieu
de France Théoret

critiqué par Libris québécis, le 12 décembre 2018
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Dieu dans la vie des femmes
La narratrice, l’alter ego de l’auteure et protagoniste du roman, résume très bien ce qu’elle est : « J’étais une jeune fille soucieuse et triste, bien éduquée. La lassitude intellectuelle et la fatigue physique me broyaient. » Se tracer une voie dans un monde dominé par le clergé n’est pas une sinécure. Tout converge vers un Dieu vengeur qui semble heureux de propulser en enfer les âmes récalcitrantes.

Élevé dans cet esprit, comment acquiert-on une personnalité forte et singulière, surtout quand le croisement des gènes a voulu que l’on soit une femme. Il était entendu que « les filles sont nées pour servir, faire don d’elles-mêmes, elles doivent cultiver l’humilité. Aspirant à une éducation qui élèverait sa pensée, incapable de s’identifier au rôle qu’on attend d’elle, la protagoniste ne sait vers qui se tourner pour la guider. » Les conseillers spirituels sont plus intéressés au récit de la relation des femmes avec les hommes. Ce sont davantage des jouisseurs auditifs que des directeurs de conscience. Adolescente, la protagoniste éprouve de la confusion pour répondre à ses aspirations. Jeune fille devenue institutrice, elle réalise au mariage de sa sœur que la femme n’a de considération que mariée pour servir l’homme.

Pourtant l’héroïne veut se rapprocher de Dieu au point que la vie religieuse semble être la solution à son dilemme. Elle assiste à la messe tous les jours, se confesse souvent. En fait, elle devient très pratiquante. Dans ce contexte, comment assumera-t-elle sa liberté ? Il faut un jour tourner le dos à ce modèle pour grandir même si l’image idéalisée de la femme par des célibataires cléricalisés hante toutes celles qui aiment quand même le Seigneur, un terme moins rébarbatif que Dieu, maître de la destinée. Une destinée que la protagoniste veut bien se forger à son image et à sa ressemblance.

Malgré une écriture un peu tortueuse, toutes les femmes de la génération de l’auteure se reconnaîtront dans ce théâtre de Dieu que l’on ne peut oublier d’avoir fréquenté impunément. Combien d’âmes autant féminines que masculines ont été troublées par les modèles idéalisés proposés par l’Église ? Certaines même ne s’en sont jamais sortis comme on peut le constater avec le magnifique roman Au-delà des visages d’André Giroux. À vouloir devenir un ange, on devient une bête.