Algériennes 1954-1962
de Swann Meralli (Scénario), Zac Deloupy (Dessin)

critiqué par Shelton, le 10 novembre 2018
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Excellente bande dessinée !
Algériennes, 1954-1962, est un magnifique album de bande dessinée qui parle de l’Algérie, de la guerre d’Algérie… Meralli et Deloupy, auteur et scénariste, pourtant, ne nous disent rien des batailles, des grands chefs, des grands attentats, des tentatives de putsch ou autres faits marquants de ce conflit… D’ailleurs, de cette guerre on ne veut jamais parler en France… On veut oublier !

Est-ce mieux en Algérie ? Non, dans ce pays qui a gagné son indépendance à l’issue de ce conflit, on a un culte du FLN mais on ne rend pas hommage à tous ceux qui ont combattu pour cette dernière, juste ceux qui ont gagné avec leur mouvement devenu parti… Quant aux autres, on les a même assassinés…

Cette guerre d’Algérie est comme une pustule dont les deux nations n’arrivent pas à se débarrasser, un chancre qui reste là et qui est transmissible à une jeunesse qui n’est pas toujours très informée sur ce que fut cette période terrible…

Les deux auteurs de la bande dessinée ne remédient pas à tout cela mais ont décidé de donner la parole aux femmes… Mère d’appelé, femme d’appelé, fille de combattant, fille de Harki, combattante… Qui sont-elles ? Comment ont-elles vécu cette période ? Comment voient-elles les choses des décennies plus tard ?

Pour arriver à cela, ils ont mis en place un personnage, Béatrice, qui de nos jours lit un article sur les atrocités de la guerre d’Algérie… Or, son père fut appelé durant cette guerre et il ne lui a jamais rien dit… Rien sur ce qu’il avait vécu, fait, subi, ressenti… Il refuse de parler et c’est sa maman qui après avoir raconté un évènement vécu lors d’un passage à Alger la met en contact avec une autre femme… Puis de femme en femme, elle reconstitue des destins qui se croisent et racontent non pas la guerre d’Algérie mais des vécus de guerre par des femmes algériennes… ici, Algériennes ne signifie pas autre chose que femmes qui on vécu en Algérie…

C’est touchant, bouleversant, pertinent, riche en humanité, incrusté dans l’histoire de ces deux pays, ces deux nations, ces deux peuples… Cela ne remplacera pas les Histoires d’Algérie ou autres ouvrages sur la Guerre d’Algérie, mais cela permettra de probablement mieux comprendre l’ambiance dans laquelle se sont passés ces fameux « évènements »… Oui, la guerre dont on n’osait même pas dire le nom !

Cet ouvrage pourra sembler déplacé au moment où nous commémorons la fin de la Grande Guerre, mais, en fait, il y a bien un point essentiel qui unit ces deux temps forts de notre histoire : la guerre est terrible, toujours, qu’elle soit entre deux pays, au sein d’un même pays ou d’indépendance… La guerre est toujours sanguinaire, cruelle et dramatique. Elle l’est pour ceux qui la font, ceux qui meurent, ceux qui survivent… Terrible aussi dans les mémoires jusqu’à bouleverser ceux qui ne l’ont pas faite mais qui en portent le poids malgré tout…

Donc, non seulement il faut lire cet album mais il faut le faire lire !

Les dessins de Zac Deloupy dans Algériennes sont magnifiques et sa narration graphique est profonde, profondément humaine pour ne pas dire pétrie d’humanisme… C’est à ne pas manquer sous aucun prétexte !

Donc, très bonne lecture à tous et à très bientôt…