Histoire de la peine de mort. Bourreaux et supplices (1500-1800)
de Pascal Bastien

critiqué par Agnesfl, le 9 novembre 2018
(Paris - 60 ans)


La note:  étoiles
Edifiant
Pascal Bastien
« Une histoire de la peine de mort »
Editions Seuil


Sérieux, englobant archives, documents iconographiques et diverses références, cet ouvrage évoque l’histoire de la peine de mort de la fin du Moyen Age jusqu’à l’arrivée de la guillotine en France. L’auteur donne une image détaillée de ce qu’a représenté la mort à cette époque en Europe et en particulier à Londres et à Paris. Il dresse une comparaison entre ces deux grandes capitales politiques et culturelles et finit par la disparition de l’exécution capitale publique : 1868 pour l’Angleterre victorienne, et 1870 pour la France de la IIIe République.
Une phrase de Pascal Bastien décrivant le « Bloody Code » laisse sans voix. « Si on suit scrupuleusement ce code, enlever un enfant n’était qu’un délit mineur alors que voler la chaussure de ce même enfant si elle valait plus d’1 shilling était un crime capital »… D’ailleurs, tout au long du livre on se rend compte à quel point l’atmosphère était différente et combien la peine de mort avait un rôle social et culturel. C’était un véritable spectacle théâtral ponctué de scènes en plein air improvisées (chanteurs, violoneux, colporteur) que l’on attendait avec impatience. La violence était mise en scène mais le mal se racontait, il ne s’expliquait pas.
Les procès et condamnations connaissent une hausse très importante entre 1590 et 1620, déclinent au cours du XVIIe et subissent de nouveau une ascension tout au long du XVIIIe. Le bûcher occupe le 2ème rang des peines capitales. Mais selon les endroits, on ne meurt pas de la même manière. En Angleterre, contrairement à la France, on n’utilise pas la torture. Sauf dans des cas exceptionnels « la presse » pour faire naître des délations. Paris crée la lieutenance générale de police en 1667 alors que Londres ne possèdera de force de police organisée qu’à partir de 1829. Les Anglais considèrent la police comme l’outil du despote. Le supplice qu’ils utilisent le plus est la pendaison avec « l’arbre de mort ». En France mais uniquement pour les régicides, on utilise l’écartèlement anglais. Ensuite, le condamné est pendu, détaché avec étouffement, puis éviscéré, castré, décapité et coupé en 4 morceaux. En Angleterre le supplicié est propriétaire de son corps et peut le vendre avant sa mort. Pas en France où le bourreau dispose du corps qu’il exécute. L’exécuteur est d’ailleurs souvent l’intermédiaire du commerce de mort. Vente de corps aux chirurgiens, préparation de remèdes (graisse du meurtrier, cendre de sorcière, sang du mort…). En France, certains bourreaux se recrutent parmi les condamnés à mort mais ils semblent moins impliqués en écart de conduite qu’à Londres. D’après certains témoignages, le bourreau français semble doté d’une véritable sensibilité et de préoccupations morales. Dans la littérature anglaise, on trouve beaucoup de récits évoquant des exécuteurs condamnés à mort pour leurs crimes. En France, il existe une hérédité de la profession ce qui n’est pas le cas en Angleterre et le bourreau anglais est mieux considéré. Avant la mort physique par exécution capitale, la justice royale devait tuer l’existence sociale du condamné. Celui-ci devait donc être déjà mort afin que le bourreau ne soit pas jugé comme un assassin et le roi comme un tyran....
La superstition est de mise aussi bien en Angleterre qu’en France. Ainsi à Londres jusqu’au XVIIIe, les dépouilles des suicidés étaient enterrés avec un pieu dans le cœur pour qu’ils ne reviennent pas sous la forme de vampires. À Paris, Mautfaucon fut jusqu’à sa démolition au XVIIe une forteresse de revenants sous la protection des feux follets. À Londres, on affirmait que les mains d’un pendu pouvaient soigner les kystes, les cancers et les écrouelles. Thiers pensait que la corde d’un pendu guérissait des maux de tête si on s’en mettait sur les tempes. Qu’une dent de mort soulageait les douleurs dentaires si avec on touchait l’endroit douloureux.
Avec la révolution française apparaît la guillotine déjà connue depuis le XIIIe avec le médecin Joseph-Ignace Guillotin. Désormais, tout le monde aura droit au même traitement quelle que soit la nature du délit : la tête tranchée. Et ce sera ainsi jusqu’à l’abolition de la peine de mort en 1981. En 1800, Londres et Paris n’ont plus qu’un seul supplice. Le new drop pour la ville anglaise. Dans cet ouvrage, on découvre un Paris qui avant de devenir une ville apaisée fut un lieu de peur, de sang et de mort. Par exemple lorsque les bras et les jambes de Ravaillac furent arrachés par 4 chevaux en place de Grève (1610) même les enfants se ruèrent sur les morceaux. La violence est toujours là mais elle est très différemment présente. Avec la lecture de ce livre, on s’en rend vraiment compte…
Agnès Figueras-Lenattier
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