Quartier nègre
de Georges Simenon

critiqué par Pierrot, le 7 novembre 2018
(Villeurbanne - 73 ans)


La note:  étoiles
Quand Depuche « travaille du panama »
Résumé
Peu après leur mariage, Joseph et Germaine Dupuche (la trentaine tous les deux) débarquent à Cristobal (République de Panama), puis se rendent à Panama où Joseph a été engagé comme ingénieur principal par la Société Anonyme des Mines de l'Equateur (S.A.M.E.). Or, une fois sur place, une désagréable surprise attend le jeune couple. La S.A.M.E est en faillite et la lettre de crédit que Joseph présente à la banque n'a plus aucune valeur.

Ils avaient l’excuse d’être bousculés, transplantés, égarés dans un monde nouveau, mais par la suite le vide s’était encore accusé et par exemple Germaine ne montrait même plus à son mari les lettres qu’elle recevait de son père, tandis que lui, de son côté, se contentait d’annoncer ;
-Maman m’a écrit…
Et cependant c’était un tendre ! Souvent il pensait qu’ils n’étaient que deux dans la vie, qu’ils avaient tout pour s’aimer, que c’était leur seule planche de salut et sa gorge se serrait à l’idée que ce n’était pas possible et qu’il savait même pas pourquoi !
Il se promettait de prendre Germaine dans ses bras, quand elle viendrait chez lui, de lui dire…Quoi ?
Rien ! Il n’avait rien à lui dire. Elle était trop sûre d’elle, avec ses cheveux bien lissées, son visage serein, sa robe sans un faux pli.
-Puche…
Il croyait entendre la voix de Véronique et il souriait tout seul dans le train. Il essayait d’entendre aussi la voix de sa femme murmurant :
-Jo…
Non ! Quand Véronique disait Puche, cela se suffisait et cela ne signifiait pas qu’elle allait ajouter quelque chose. Elle disait Puche sans raison, les yeux pleins de gaieté et de joie. Quand Germaine disait Jo, c’est que d’autres mots allaient suivre.
-Jo ! Mme Colombani m’a expliqué…
Il aperçut la mer au-delà des grands immeubles bancs de compagnies de navigation. On passa près des cheminées de bateaux et le train s’arrêta en face des bazars pleins de soieries japonaises, d’ivoires, de flacons de parfums et de souvenirs.
Il y avait toujours des hommes et des femmes en banc, en casque colonial, à aller de vitrine en vitrine, à s’étonner de tout, à changer des monnaies et à envoyer des cartes postales et les Levantins gras leur parlaient comme si c’eussent toujours été les mêmes.
Dupuche longea la rue dont toutes les maisons étaient des cabarets de nuit précédés de bars américains où pouvaient s’accouder trente personnes.

Une nouvelle fois Simenon réussit à dépeindre, la décrépitude d’un ingénieur qui, privé d’argent sur place et se sentant rejeté… cède aux mots de Véronique, qui à tout juste seize ans …
-Tu veux l’amour ?