Les couleurs de l'infamie, tome 1
de Albert Cossery (Scénario), Golo (Dessin)

critiqué par Sahkti, le 9 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Cossery en BD
"Il n'y a rien de plus immoral que de voler sans risque. Le risque, c'est ce qui nous différencie des banquiers et de leurs émules qui pratiquent le vol légalisé sous le patronage du gouvernement"

Albert Cossery est un écrivain égyptien (les Hommes oubliés de Dieu) qui s’est installé à Saint-Germain-des-Prés en 1945. Son dernier recueil, Les couleurs de l’infamie, il l’a publié à 85 ans, le 8e seulement, mais quelle qualité ! Je décrirais Cossery comme un moraliste sarcastique, ses écrits sont empreints d’une vérité acide qui fait naître un sourire au coin des lèvres.
Le personnage a séduit le dessinateur Golo qui, en 1990, a adapté "Mendiants et orgueilleux" chez Casterman. L'année dernière, Dargaud a publié son "Couleurs de l’infamie", inspiré par Cossery.
L’histoire se passe au Caire. Le Caire actuel, loin de la somptueuse Al-Qahira. Entre mendiants et automobilistes fous, la ville grouille de malheur et de violence. Ossama est assis à la terrasse d’un café et observe ce monde bruyant, en particulier un mendiant qui, contre quelques piécettes, n’hésite pas à braver le flot de la circulation, tenant par le bras quelque piéton téméraire ayant accepté de lui confier sa vie l’espace d’un instant. C’est un passeur de rue, un vrai métier, ce n’est pas un mendiant. C’est que notre homme a sa fierté. Ossama a un autre métier : il est voleur. Un pickpocket de première classe, bien habillé pour faire illusion, qui passe son temps à bousculer les riches pour leur piquer le portefeuille. Lors d’un de ses larcins, Ossama trouve une lettre dans un portefeuille, émanant du Ministère des Travaux Publics et annonçant à Atef Suleyman que le frère du Ministre rompt toute relation avec lui.
Ossama se remémore alors ce fait divers tragique, un immeuble s’étant effondré avant son inauguration, 50 morts, la société de Atef Suleyman montrée du doigt. Cette lettre semble constituer un bon moyen de chantage, reste à négocier. Pour s’aider, il appelle un ami philosophe, banni de la société, vivant dans le mausolée familial au cimetière principal de la ville. Accompagné du professeur de vol de Ossama, ils feront tout pour extorquer un maximum d’argent à l’infortuné Suleyman.

Si Golo a marqué l’album de sa griffe graphique personnelle, il a scrupuleusement respecté les dialogues de Cossery, ce qui ne devait pas toujours être évident. Les dessins sont colorés et vivants, l’ambiance du Caire parfaitement reconstituée. Un bel album.