Anthologie de la poésie française
de André Gide

critiqué par Bérénice, le 8 juin 2004
(Paris - 37 ans)


La note:  étoiles
Excellent
Gide commence sa préface à son anthologie par un dialogue étrange entre lui et un jeune poète anglais, Housman - je cite :
"comment expliquez-vous, monsieur Gide, qu'il n'y ait pas de poésie française ?"
Et comme, interloqué, je (Gide)hésitais à le comprendre, il précisa : "l'Angleterre a sa poésie, l'Allemagne a sa poésie, l'Italie a sa poésie. La France n'a pas de poésie..."
Il vit assurément que je doutais si je devais prendre ces derniers mots pour une boutade impertinente, et continua de sorte que je ne pusse croire, de sa part, à de l'ignorance :
"oh, je sais bien, vous avez eu Villon, Baudelaire... "
J'entrevis aussitôt ce à quoi il tendait, et pour m'en assurer :
"- vous pourriez ajouter Verlaine, dis-je.
- Assurément, reprit-il ; quelques autres encore ; je les connais. Mais, entre Villon et Baudelaire, quelle longue et constante méprise a fait considérer comme poèmes des discours rimés où l'on trouve de l'esprit, de l'éloquence, de la virulence, du pathos, mais jamais de poésie."
plus loin, à Gide qui affirme que "l'idée que se fait un peuple cultivé de ce qu'est ou de ce que doit être la poésie varie à chaque génération ; tout comme, en même temps, elle varie de peuple à peuple", Housman répond que cette idée de la poésie "n'a pas sensiblement varié pour la France. Depuis Villon et jusqu'à la période romantique, certaine ingéniosité verbale, l'art de dire avec élégance et esprit des fadaises, vous a masqué la pénible déficience de votre sentiment lyrique."
J'arrête là avec la préface, qui est au moins aussi intéressante et enrichissante que l'anthologie en question.
Gide, par ce dialogue, explique quels furent ses critères de sélection pour constituer son anthologie : "j'ai rassemblé les poèmes où la poésie adultérait le moins son essence". Il n'a pas tenu compte de la célébrité, des propos, ce qu'il a traqué, même chez les auteurs les plus inattendus, c'est la poésie. Et il n'a gardé que le meilleur : "en art, il n'y a pas d'à peu près qui vaille. (...) Il est, particulièrement dans ce domaine, beaucoup d'appelés, peu d'élus."
Ainsi, ce n'est pas une anthologie des Grands de la poésie française : il y a des inconnus, des oubliés, d'autres qu'on attendait mais qu'on ne trouve pas. Ca commence avec Rutebeuf et ça finit avec Radiguet. Certains ont droit à 20 pages, d'autres on ne peut lire que quelques vers. Gide prend des libertés : il ignore tel poème mondialement connu, porte aux nues tel autre ; coupe et recoupe un troisième. Pour qu'à chaque vers de son anthologie on ne trouve que Poésie pure. C'est ce qui fait la qualité de cet ouvrage.
5 étoiles bien méritées. 10 étoiles

Je souscris totalement à ta critique, Bérénice et j'aime aussi bien ta vision de la Littérature.
Une anthologie à mettre entre TOUTES les mains.

Monique - - 51 ans - 9 juin 2004