Washington Square
de Henry James

critiqué par Folfaerie, le 7 juin 2004
( - 55 ans)


La note:  étoiles
L'argent ne fait pas le bonheur
"Pauvre Catherine !" c'est la première réflexion qui vient à l'esprit une fois la dernière page tournée. La malheureuse héroine de cette histoire, Catherine Sloper, est une jeune héritière, ni très jolie, ni très intelligente, mais possédant un coeur généreux et aimant, qui vit dans une grande demeure bourgeoise à New-York, avec son père, un médecin réputé, riche et mondain, et une tante trop romanesque, plus stupide que méchante.

La jeune fille ne connait rien des passions amoureuses et sa vie s'écoule, calme et monotone entre les quatre murs de l'imposante maison. Lors d'une soirée mondaine, Catherine rencontre le séduisant Morris Townsed, qui tombe amoureux d'elle au premier regard. Ou plutôt après avoir appris son statut d'héritière. Mais la jeune naive, ne se rendant compte de rien, ne demande qu'à répondre à cet amour si peu sincère, poussée en cela par sa sotte de tante, qui n'a d'autres intérêts dans la vie que d'échafauder des intrigues amoureuses afin d'avoir sa part de romanesque. Seul le docteur, homme froid et lucide, à la clairvoyance impitoyable, a deviné le coureur de dot sous le masque de l'amoureux transi. Après avoir tenté en vain de raisonner sa fille, il choisira alors de la déshériter pour lui ouvrir les yeux, et la pauvre fille, assistera impuissante, et le coeur meurtri, à la fuite de son fiancé indélicat.

C'est certainement l'un des romans les plus cruels de Henry James. Il nous offre le portrait d'une société en pleine mutation, et celui d'une caste arriviste et uniquement attachée aux apparences, rejoignant en cela les visions d'Edith Wharton de la société bourgeoise New-yorkaise. Ce n'est pas l'intrigue qui compte, puisqu'on sait dès les premières pages que le coureur de dot sera bien vite démasqué, mais les relations entre ces personnages qui, pour des raisons différentes, volontaires ou involontaires, et par des moyens divers, arriveront tous au même résultat : blesser la jeune fille et lui broyer le coeur. A ce titre, Townsed est peut-être le plus excusable. Au moins il a pour seul motif l'argent, il est étranger à Catherine, et il n'est que l'archétype du coureur de dot, mais sa famille a moins d'excuses. Le docteur n'est pas si attaché à sa fortune, mais c'est un homme froid et ironique qui n'a que peu de considération pour sa fille qu'il juge idiote et indigne de lui. Il s'est quelque peu amusé, de manière bien cruelle, à ses dépens. La tante ne vaut guère mieux. Stupide, entêtée, manquant de tact et de finesse, elle ne s'apercevra pas une fois qu'en empirant les choses, en persuadant la jeune fille, elle a manqué à tous ses devoirs, et loin de la protéger, elle a irrémédiablement blessé sa nièce.

Reste cette pauvre Catherine qui a découvert qu'elle n'était pas aimée pour elle-même. Ni par son fiancé, ni par son père, les deux seuls êtres qui lui étaient chers.
Un thème pas vraiment original certes, mais le talent de James est tel qu'on ne saurait lui en tenir rigueur.