critiqué par Alma, le 21 septembre 2018
( - - ans)

La note: étoiles

Vivre ensemble et séparément

Pendant 45 ans Helen et de Frank n'ont cessé d'associer leurs existences puis de se séparer. Sur un trottoir de Londres, à 80 ans, alors qu'ils ont rompu depuis 23 ans, ils se rencontrent fortuitement . « Tu ne vas pas parler cette fois, Franck. C'est moi qui vais parler, et moi seule. Debout dans la rue, je vais te raconter toute notre histoire, depuis le début»

Deux êtres qui ont vécu tout à la fois «ensemble et séparément» .
Helen, dont le destin a été de travailler à la naissance du « génie créateur» de Franck, devenu peintre renommé partout dans le monde. Femme de l'ombre, sa présence fidèle dans « la mer agitée» de la vie privée de l'artiste a évité à celui-ci tout souci domestique.
Elle, qui a réussi une carrière littéraire, n'a paradoxalement jamais su « dompter les mots pour qu'ils portent sa voix »

Commence alors un long monologue, de six heures, dans lequel Helen livre sa version de leur vie commune, sa lecture de leur association, de leur cohabitation.
Le lecteur est porté par cette voix, jamais interrompue, toujours maîtrisée, de la femme blessée qui, dignement, sans imprécations, rend compte de ce que fut sa «dévotion» et finit par confesser à Franck ce qu'il n'avait jamais su ( et que je me garde bien de révéler ici ….) .

Un beau roman, dense, grave, servi par une écriture à la fois élégante et enveloppante, qui parvient à restituer le flot de la parole sans basculer dans la logorrhée, et qui analyse avec finesse le parcours de deux êtres aux destins complémentaires .

Il introduit le lecteur, et c'est un atout non négligeable, au cœur du processus de création artistique. Il y perçoit le quotidien d'un peintre, ses recherches et hésitations, dans l'intimité de son atelier, au contact des galeristes, dans ses obligations mondaines lors des vernissages et expositions et y rencontre des références aux toiles de Picasso, Modigliani, Bacon, Warhol et autres artistes modernes .