Le chemisier
de Cécile Beauvoir

critiqué par Clarabel, le 4 juin 2004
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Talent d'orfèvre
Ouf, après le bâclage de son premier roman, Cécile Beauvoir renoue avec l'onctuosité des nouvelles. Là où tout son talent et sa finesse d'écriture avaient été mis en lumière grâce à son "Envie d'amour, elle revient sur le devant de la scène avec "Le chemisier", un nouvel écueil de 21 petites histoires de charme, de tendresse, de sensualité et de cynisme. Cette fois-ci, contrairement à la première fois, Cécile Beauvoir a décidé d'adopter un style plus mordant et plus corrosif sans perdre de sa délicatesse. C'est un cocktail très réussi. Rarement ses histoires dépassent plus de deux pages, c'est signe d'une plume vive. Un ton acéré pour dessiner une silhouette d'un autre temps, avec boucles anglaises, col Claudine, des chaussures vernies, des socquettes impeccables et un teint badigeonné de poudre de riz... Des déclarations d'amour pudiques ou enflammées, un libraire désabusé, un Noël qui vire à la zizanie, des souvenirs d'enfance, une ancienne odeur de sac à main, une "inadaptée sentimentale", un dessert qui se jeterait en pleine figure, et quelques lignes pour le chanteur de Rhabille les Gamins... La rapidité de toutes ces histoires, qu'on dévore page après après, donne du poignant et de l'émotion à chaque passage. Tout est minutieusement écrit, dépeint, conté et conclu. Cécile Beauvoir confirme son talent d'orfèvre : ses mots possèdent une âme d'une grande noblesse.
Mélancolie 7 étoiles

Petit livre qui m'a accompagnée en balade ensoleillée, des nouvelles légères et agréables dont aucune ne ressemble à l'autre. Si ce n'est le fil conducteur, le point commun, à savoir l'attachement, le centre de l'histoire, que celui-ci soit un homme, une femme, un couple ou une chose. Noyau autour duquel tourne Cécile Beauvoir avec une certaine réussite, ayant réussi à faire passer une intensité d'émotions grâce à des textes très courts, pari risqué sur lequel beaucoup d'auteurs se cassent la figure.

J'ai trouvé que ce recueil de nouvelles fleurait bon la mélancolie et la nostalgie, à l'image de ce flot de souvenirs de pastilles d'eucalyptus et de leur saveur à partir d'un banal sac à main. C'est sans doute cela le charme de ce livre : faire du banal quelque chose d'important.

Sahkti - Genève - 50 ans - 10 août 2006


"Ne dépensez pas deux mots, si un seul suffit" 8 étoiles

Après un recueil de nouvelles ("Envie d'amour") publié chez Minuit en 2002 et un premier roman, "Louise Lullin", sorti chez Arléa en 2003, Cécile Beauvoir réalise une sorte de synthèse genre/éditeur puisqu'elle reste chez Arléa mais revient aux nouvelles.
Vingt et un textes de deux ou trois pages. On est loin de la nouvelle classique qui conquit ses lettres de noblesse au dix-neuvième avec Maupassant. Ici, très peu de personnages, souvent un simple regard (dix-huit textes sur vingt et un sont à la première personne), une brève rencontre, une atmosphère, une tranche de vie coupée très fin. Mais une tranche coupée dans le cœur.
Petite vieille qui s'éloigne sous les marronniers; boulot provisoire, vie provisoire, amour provisoire; ennui mortel de certaines heures, de certaines routines; enfants qui souffrent d'un divorce; visite au cimetière un dimanche après-midi; zizanie en famille autour d'un arbre de Noël; parfum d'un sac à main dans une maison de retraite; voyante qui offre un peu de bonheur à celle qui a tout raté… Chaque nouvelle part d'une notation happée dans l'instant, disséquée par un regard scalpel puis restituée avec empathie, le narrateur prenant tour à tour la peau de l'enfant, du vieillard, de l'homme, de la femme, de la veuve ou de l'amoureux, de l'adolescent brimé par sa mère ou de l'"inadaptée sentimentale".
S'il fallait choisir quelques perles, j'épinglerais tout particulièrement "Elle l'a fait", "Je suis morte" et "Peur", variations sur le thème de l'amour, de la souffrance et de la cruauté.
Il faut découvrir cette Beauvoir jeune et pas bavarde, lire et relire ses nouvelles comme autant de leçons d'écriture car il est difficile de dire plus en si peu de mots.

Lucien - - 69 ans - 9 novembre 2004