Les choses immuables
de Éléonore Létourneau

critiqué par Libris québécis, le 24 juillet 2018
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
On ne voit pas le temps passer
Un petit roman de grande taille. Éléonore Létourneau sait écrire l’essentiel des choses sans éterniser le propos. Tout est dit en peu de mots. Elle est devenue l’auteure des maux de l’âme sans s’apitoyer sur le sort de ses personnages. Elle décrit leur maladie apparemment incurable. Mais n’y a-t-il pas un remède à tous les maux ? Lequel. ? En l’occurrence, celui qui guérit de l’usure des couples. Comme le chanterait Jean Ferrat : faut-il pleurer, faut-il en rire, font-ils pitié quand on ne voit pas le temps passer ?

L’amour ressemble à l’érable qui coule seulement au printemps. Que fait-on après la cueillette de la sève ? C’est ce que se demandent deux couples d’amis quadragénaires pourtant fort bien scolarisés. Un diplôme ne vient pas avec une mention de pérennité. Il faut peaufiner son art. C’est là que le bât blesse. Mener de front la carrière, ses amours, la famille semblent devenir un dilemme insoluble. Pourtant les protagonistes ont tout ce qu’il faut pour être heureux. D’abord l’amitié du quatuor, des hommes qui gagnent bien leur vie, des femmes qui mènent des carrières intéressantes. Que faut-il de plus ? Comme pour les beaux meubles que l’on a achetés, on s’en lasse.

La lassitude serait-il le mal du siècle ? Il faut le croire en lisant ce court roman. L’auteure attend son lectorat au détour. Elle lui suggère brillamment l’attachement aux choses immuables comme l’amour, la famille. Et le temps montre, selon Éléonore Létourneau, que ce que l’on croyait affadi garde une fraîcheur qui ne se dément pas. Elle profite de la mort de la mère de Louis pour le démontrer. Indifférent à sa génitrice, il réalise subitement que le lien entre eux ne s’est jamais brisé. C’est en vieillissant que ressurgissent les rhizomes. L’amour ne meurt pas, Comme le lilas, il se décuple.

Simplement, Éléonore Létourneau triture l’âme de ses personnages. Elle les laisse juste assez souffrir pour qu’ils apprennent à leurs dépens que le bonheur advient dans la pérennité. C’est bien écrit, c’est court et aucunement dogmatique. L’auteure ne joue pas au maître à penser.