Poèmes des hommes et du sel
de Sigurdur Palsson

critiqué par Septularisen, le 22 juillet 2018
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«Et la lumière jaune de la lampe à huile emplissait la pièce d’un regret silencieux…»
NOCTURNE POUR VENUS

Une statue dans le jardin la lumière à peine bleue
Le vent nulle part plus proche que les mots
Tout de même il y a quelques voix tissées dans les arbres

Femme éplorée visionnaire
et l’unique lumière humaine est douce et jaune
Le vent nulle part plus proche que les mots

Le 19 septembre 2017 s’éteignait, dans une indifférence quasi générale, la plus grandes voix de la poésie Islandaise, je veux parler ici de Sigurdur PALSSON (1948-2017). «Poèmes des hommes et du sel», réunissant un choix de poèmes sélectionnés et traduits par M. Régis BOYER (1932-2017), est sans doute la meilleure façon de continuer à l’entendre.

«Fils spirituel» du fameux Steinn STEINARR (1908-1958), PALSSON s’émancipe toutefois rapidement de lui et de son côté nihiliste, il pose certes des questions existentielles à la vie, ne comprend pas le monde dans lequel il vit, mais reste en quête d’un but, d’un sens à lui donner.

(…) et difficile est l’effort
dans ce monde sans valeur éternelle
pour choisir des actes uniques et justes
car le point de vue que l’on exige en cette clarté pénétrante qui croît
et le voyage est engagé tout droit dans la cruauté du jour
tout droit dans l’espace où respirent mon jeu et celui des autres

A l’instar de son illustre contemporain suédois Tomas TRANSTRÖMER (1931-2015 déjà présenté sur CL ici : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/28304), on dirais presque que ses poèmes sont là pour exorciser le monde. C’est bien écrit, simple, réaliste, clair, facile à lire, puisque s’inspirant du quotidien le plus banal, d’expériences que chacun de nous peut faire, mais d’une intensité rare et d’une exceptionnelle acuité. Il faut toutefois un maximum d’attention, et de concentration, - sous peine de rater les sons, les sens et surtout la musicalité de cette poésie -, notamment du fait qu’il n’ y a jamais aucune ponctuation.

Pour l’auteur le constat le plus banal peut ouvrir des perspectives inattendues et inépuisables sur de tout autres domaines. PALSSON peut ainsi nous parler de la rue, de la vie, de la lune, d’un chauffeur de taxi, des planètes du système solaire, de la nuit étoilée, des arbres…

PLANTES

Le cyprès dur à cuire
ne pleure pas sur les tombes
Perpendiculaire il monte une garde
de l’espèce la plus rude

Dans l’ombre inébranlable des oliviers
les cigales chantent
une magie d’oubli universel

Ici nulle part de chêne
hormis celui-là seul
que je porte toujours
dans mon esprit

Dans la félicité de son ombre
il y a un silence magique

Il y a certaines rencontres poétiques qui suffisent à donner un sens à votre vie, l’œuvre de Sigurdur PALSSON est, sans aucun doute, de celles-ci!

SUR LE CHEMIN DE KRISUVIK

Le chemin danse avec l’auto
et le soleil danse à la surface de l’eau
et le cœur bat sur le chemin poussiéreux
tant qu’il ne se brise pas

Tu m’as regardé de pierres précieuses
sur le chemin de Krisuvik
Le soleil aiguise des diamants dansants
sur l’eau et dans les yeux
et le chemin dans un tango étroit et gémissant
avec l’auto l’eau et le désert

Et il bat tant qu’il ne se brise pas
sur le chemin de Krisuvik

Ecoutez Sigurdur PALSSON lui-même lire – et en français s’il vous plaît -, ce poème ici :
https://www.youtube.com/watch?v=ad2loZlMflA

Sigurður Pálsson a reçu le Prix littéraire de la Radio islandaise en 1999 et le Prix des libraires pour la poésie en 2001. Il a été nommé Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres par M. Jack LANG, alors ministre de la Culture en 1990, puis Chevalier de l'Ordre national du Mérite en 2007 par le président de la République Française.