Le corps des bêtes
de Audrée Wilhelmy

critiqué par Libris québécis, le 18 juin 2018
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Faire le sexe des humains
Audrey Wilhelmy a l’art heureux de nous emmener dans des univers déjantés où les bien-pensants seront décoiffés. Pourtant, son roman ne prône pas une exacerbation des sentiments. Au contraire, ils naissent naturellement au rythme d’une existence qui pourrait s’identifier à celle des animaux dont le règne est loin de représenter un état sauvage.

Des règles tacites régissent les relations entre humains. Comment se comportent-ils ? L’auteure s’est appliquée à la montrer à travers ce qui pourrait être un conte à la Fred Pellerin. Avec ce genre, la réalité est poussée à la démesure. Une hypertrophie qui illustre bien mieux les assises d’une humanité, vécue en clan autour d’un phare en bordure de mer. Osip en est le gardien. Il y habite avec sa mère et les enfants de Noé, la femme de son frère. Ils vivent dans un environnement primaire où seul le passage des bateaux vient les distraire ainsi que les oiseaux qui se perchent sur la rambarde entourant le mirador. Ces deux éléments composent le principal véhicule de leurs connaissances.

En complément d’enrichissement, il faut que les personnages développent un sens inouï de l’observation. On s’inspecte en silence afin d’apprendre les rudiments de la vie que l’on compare au monde animal. On est un ours qui cherche sa nourriture quand le père s’adonne à la chasse. Chasse utile dont la mère profite pour en tirer tous les produits servant à la survie. Les enfants se font les témoins de ce microcosme, qui, l’espère-t-on, suffira à les préparer à leur vie adulte.

Mie, la seule fille parmi les enfants, a le don du mimétisme. Elle observe sa mère qui vit en marge du clan. Quand elle se rend à l’occasion à sa cabane, elle apprend son futur rôle de femme. Mais quel conseil peut-elle lui donner pour s’adonner « au sexe des humains » ? Le désir est un tout compris reçu à la naissance. Et qui du clan pourra combler ce besoin dans la consanguinité ?

Éliminant tous les scories sur la thématique, l’auteure a plongé dans l’océan de l’humanité afin d’en faire ressortir la quintessence. C’est un très beau plongeon dont le coefficient de difficultés était très élevé. Défi relevé. Mais sa performance ne pourra être évaluée à sa juste valeur que par les fins connaisseurs de la littérature.