Plutarque
de Jean Sirinelli

critiqué par Colen8, le 9 juin 2018
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Plongée dans la société gréco-romaine des 1er et 2ème siècles
Même si la mort prématurée d’Alexandre a interrompu la conquête hellénique pour laisser le champ libre à l’expansion romaine vers l’est, l’idée d’universel régi par des valeurs humanistes est bien ancrée dans l’esprit de l’époque reconstituée avec talent par Jean Sirinelli à l’occasion de cette biographie. En l’absence d’éléments précis sur la vie privée de Plutarque il dresse le portrait d’un personnage bienveillant et éclectique, professeur, historien, philosophe et plus encore né vers l’an 45, décédé à 80 ans environ, très grand écrivain grec figurant parmi les plus prolifiques de l’Antiquité. Pour ce faire il a procédé à une analyse fouillée de ses productions littéraires et philosophiques parvenues jusqu’à nous ainsi qu’à des comparaisons avec les mœurs socio-culturelles connues de familles notables vivant dans des provinces sous la tutelle d’un Empire romain en pleine ascension.
De solides études tournées vers la philosophie, les mathématiques, la médecine ont développé chez Plutarque un esprit ouvert et sociable doté du sens de l’amitié et de la collectivité, avide de savoirs et d’échanges intellectuels tant avec les romains qu’il connait bien que les grecs ses compatriotes, dont l’ensemble nourrira une œuvre considérable et variée. Imprégné de platonisme et de pythagorisme, en ce sens opposé au stoïcisme, il formera de jeunes esprits pendant des années avant de prendre de la distance avec l’enseignement proprement dit. Parvenu à la maturité, sa nomination comme prêtre pour servir le culte d’Apollon à Delphes ouvre sur une autre facette du personnage lui permettant d’approfondir sa croyance dans le divin, dans l’immortalité de l’esprit qui survit quelque part après la mort.
On lui doit des essais par dizaines intitulés « Moralia » traitant des questions de la vie courante, mais aussi de la morale ou de la politique. Répondant à la demande de son ami Socius Senecion proche conseiller de l’empereur Trajan il compose pendant une vingtaine d’années les « Propos de table » selon la pratique des banquets qui reproduisent de façon très codifiée les conversations entre gens de bonne compagnie. Il est surtout passé à la postérité avec ses biographies « Vies parallèles » mettant en correspondance un Grec et un Romain pour mieux en souligner la complémentarité. A la Grèce la vie culturelle et artistique, à Rome les questions militaires et juridiques. Peu cité par ses contemporains, sa notoriété franchira les siècles suivants, atteindra des sommets entre la Renaissance et les Lumières pour décliner dès l’ère industrielle.