Je suis un autre
de Rodolphe (Scénario), Laurent Gnoni (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 9 juin 2018
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Duel au soleil
Deux jeunes garçons, Sylvio et Peppo, sont dans un bateau, Sylvio tombe à l’eau, qui reste-t-il ? La réponse parait simple, mais lorsqu’il s’agit de jumeaux, les choses sont un peu plus compliquées. Un récit intemporel sur la gémellité, où les miroirs explosent en morceaux tranchants comme la douleur inconsolable de perdre son double terrestre.

Le thème des jumeaux demeure une source inépuisable d’inspiration dans l’art et la culture. Le sujet fascine tout un chacun, tant la relation entre deux êtres identiques apparaît privilégiée pour un œil extérieur, comme si les paroles devenaient inutiles, faisant de quiconque une sorte d’intrus. Il existe en outre une part d’irrationnel pour tout être « unique » dans le fait d’imaginer voir et côtoyer sa copie conforme en chair et en os. Pourquoi les jumeaux existent-ils ? Un jumeau se pose-t-il certaines questions du type : L’existence même de mon jumeau rend-elle la mienne moins unique sur cette vaste Terre, ou au contraire la rend-t-elle plus passionnante ? Est-il une partie de moi-même sans laquelle ma vie serait incomplète ?

Rodolphe s’est ainsi emparé du sujet pour en faire, avec le concours de Laurent Gnoni au dessin, une histoire au charme suranné, où la douceur méditerranéenne le dispute à la froidure nordique. Si au départ le théâtre des événements se situe dans une île paradisiaque, le glacial et lointain « Nordland » vient appuyer la thématique du double, ici inversé, jouant symboliquement le rôle de « prison » pour Peppo. Après le meurtre d’Edwige, une artiste peintre dont Peppo est tombé amoureux, tous les indices semblent accuser ce dernier. Ses parents – qu’on ne voit jamais – l’ont envoyé là-bas, dans une maison de redressement, car l’enfant, étant mineur, ne peut être condamné. Ils ont juste oublié que les fantômes, eux, faisaient fi des distances…

« Je suis un autre », qui est très bien construit d’un point de vue narratif, déçoit un peu par sa conclusion quelque peu attendue et finalement peu marquante. Ce que l’on retient ici est davantage le trait élégant bien qu’un peu froid de Laurent Gnoni, ainsi que sa mise en couleurs harmonieuse, avec une bémolisation des tonalités qui renforce la mélancolie intemporelle du récit. On pourra donc sans problème se laisser charmer par cette fable quasi onirique entre rêve et cauchemar.