Riad a six ans. Ce second volume se déroule principalement en Syrie, avec un court intermède en Bretagne. L’enfant modèle aux cheveux blonds va bientôt se confronter à la dure réalité en allant pour la première fois à l’école du village où se sont installés ses parents. Son père rechignera à l’accompagner, car ce n’est pas dans la tradition syrienne, mais cèdera devant les pleurs de son fils. Ce dernier avait pourtant de bonnes raisons de redouter l’école… Dans ce qui constituera une des principaux passages du livre, Riad va découvrir les méthodes d’enseignement peu orthodoxes du pays, dans une classe où les filles sont totalement absentes. Sa maîtresse, sorte de mère maquerelle sadique envoyée par l’Etat, armée d’une énorme batte de base-ball (on a réellement peine à y croire), n’hésitant pas à s’en servir pour taper sur les doigts de ses élèves, est réellement effrayante. Une sorte d’avant-goût, ou peut-être un avertissement sur le sort réservé par le gouvernement aux futurs opposants… avec visiblement le consentement complice des parents craintifs, mais cela, l’auteur n’en parle pas…
Riad fera également une rencontre qui le marquera, celle de sa jeune tante Leila, déjà veuve ( !), qui lui prodiguera quelques conseils en matière de dessin… Dans ce monde patriarcal à l’extrême, la jeune veuve connaîtra un destin tragique le jour où on apprendra qu’elle est enceinte… une honte insupportable pour la famille que seul un « crime d’honneur » pourra laver ! Un événement qui montre que les féminicides restent monnaie courante dans cette culture et que la vie d’une femme, tout juste bonne à s’occuper des tâches ménagères, compte peu, en particulier dans les campagnes…
Le lecteur fera également connaissance avec le cousin général de son père, Abou Hassan, un homme richissime et qui veut que ça se sache… Avec sa femme qui aime les bijoux clinquants et son fils unique, jouant seul dans sa chambre avec ses nombreux jouets, il vit dans une imposante demeure envahie par l’humidité et les fissures, mais peu importe, du moment que l’on puisse la voir de loin… Cela suffira à impressionner le « docteur » Al Sattouf qui voit en son cousin un modèle, et ne reculera devant aucune flatterie ni aucune fanfaronnade, dans l’espoir secret de faire partie de son cercle de fréquentations… En attendant de pouvoir construire sa villa de ses rêves, il se contentera, histoire d’épater la galerie, de fumer des Dunhill achetées au duty-free…
Et pourtant, sur ce pays aux mœurs étranges et qui pourraient rebuter le Français lambda, Riad Sattouf se contente d’être observateur sans porter de jugement à l’emporte-pièce même si l’on sent l’ironie pointer vaguement derrière le factuel décrit avec ses yeux d’enfant. D’ailleurs, il confesse avoir eu beaucoup de mal à cette époque avec le français que sa mère tentait de lui enseigner. « L’arabe, dit-il, [lui] semblait plus logique, et le français [lui] apparaissait comme une activité risquée où l’on pouvait multiplier les erreurs sans même s’en apercevoir. »
Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 14 août 2024 |