Ariane
de Myriam Leroy

critiqué par Nathavh, le 5 mai 2018
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Amitié toxique
C'est un premier roman sélectionné pour le Goncourt du 1er roman. Résultat le 5 mai prochain.

Quoi qu'il en soit un premier roman très fort qui nous parle de l'adolescence et d'une très grande amitié.

Nous sommes en 1994 dans le Brabant Wallon, au sud de Bruxelles; direction : Nivelles.

Attention si vous y habitez, vous risquez de ne pas trop apprécier car la ville en prend pour son grade, décrite comme moche, triste, austère.

La narratrice y vit avec sa famille d'origine modeste.

'Ma soeur et moi ne manquions de rien, sauf du superflu" ...cela veut tout dire ! Ils ont de l'argent mais on ne dépense rien. Habillée à "l'as de pique", un père comptable et une mère au foyer, pas de resto, pas de cadeaux de Noël, les vacances se passent dans une vieille masure familiale à la campagne.

La narratrice a 13 ans en 1995. Hors de question pour ses études secondaires qu'elle fréquente les "ploucs", c'est décidé ses parents l'inscrivent à Braine-l'Alleud dans un collège plus bourgeois. C'est là qu'Ariane croisera l'élite des alentours et Ariane qui vit à Lasne, la commune par excellence où vivent les riches du BW (Brabant Wallon).

Pour s'intégrer, la narratrice aura droit à quelques achats vestimentaires; son premier "Levi's", c'est l'époque des vestes Donaldson et pour les ados, l'importance de ces codes vestimentaires est grande.
On va avec joie parcourir les années '90 que ce soit au niveau vestimentaire, musical.

Ariane est belle, d'origine indienne. Elle a été adoptée il y a trois ans. Elle vit dans un autre monde; piscine et tennis à la maison, des parents aux moeurs familiales très libres. C'est une amitié fusionnelle qui prend naissance, mais Ariane n'a pas froid aux yeux, et cette belle amitié deviendra bien vite toxique.

Un premier roman très réussi. Le langage est cru et direct comme le sont les ados. Le besoin d'exister, de plaire, de s'affirmer est très bien décrit. Myriam Leroy dépeint à merveille le ressenti de cet âge, elle nous fait vraiment revivre l'époque, ses changements physiques et émotionnels de l'adolescence, l'instabilité psychique ressentie à cette période de la vie.

Une amitié toxique, amour-haine qui sans doute autobiographique a laissé des traces chez l'auteure.

Mais pourquoi revenir sur cette histoire de plus de vingt ans, s'interroge la narratrice? Elle nous parle de l'écriture, de ce besoin d'utiliser le "je" ou pas, sur le besoin de dire ou non la vérité ?

Un premier roman entre fiction et autobiographie, un roman initiatique qui se lit très vite et qui augure une plume très prometteuse.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

Ariane fit tomber les derniers résidus de crainte hérités de douze années d'éducation fondée sur le mantra préféré de mes parents : "Se méfier de tout et tout le monde, ne jamais rien attendre de personne."

J'en étais sûre. Notre binôme était surnaturel. Nous étions plus que la somme de nos parties, nous étions cette complétude en tous points soudée dont naissaient les rayons lasers et les pouvoirs magiques. Nous imaginions avoir en poche ces deux médaillons orphelins, le croissant de lune et le soleil qui, s'emboîtant, devenaient la clef des Mystérieuses Cités d'or.

J'ai compris que la vie n'avait d'autre sens que de la vivre et, si je ne m'en réjouis pas forcément, j'en fais mon affaire, je l'accepte et n'en veux à personne (enfin, pas vraiment) de ne pas m'en avoir avertie. J'ai intégré que l'amour était une humeur hormonale utile à la perpétuation de l'espèce, le désir soluble dans l'amitié une disposition occupationnelle.

Une pire ennemie, on y pense encore plus qu'à une meilleure amie, c'est fou le cerveau humain.
A l'amour... à la haine 10 étoiles

"Ariane" de Myriam Leroy (208p)
Ed. Don Quichotte.

Bonjour les fous de lectures....
Myriam Leroy est une journaliste belge. "Ariane" est son premier roman.
L'histoire se passe en Belgique, dans une commune un peu triste et sans intérêt (dixit la narratrice ) du Brabant Wallon dans les années 1990.
La narratrice, issue d'un milieu modeste, a une douzaine d'année quand elle rencontre Ariane qui, elle, gravite dans un "monde de riches".
Ces deux gamines n'auraient jamais dû se rencontrer si la narratrice n'avait fréquenté un collège huppé dont elle essaye d'adopter les codes de vie.
Bientôt, les deux adolescentes ne font plus qu'un ...
C'est "à la vie, à la mort"...
C'est trop.
La narratrice nous raconte cette période de sa vie (deux ans), cette relation entre elle et son binôme.
Cette amitié toxique qui petit à petit se développe entre elles et les marquera pour le restant de leurs vies.
Toute une palette de sentiments se retrouve entre ces deux filles:
L'amitié, l'amour, la jalousie, la manipulation, la toxicité et enfin , la haine.
Même si il est difficile de trouver de l'empathie pour la narratrice que l'on a souvent envie de recadrer ( mais je pense que c'était voulu par l'autrice), voici un très bon premier roman qui se lit d'une traite.
Le langage, parfois cru, ne tombe jamais dans la vulgarité et le récit est bien loin des mièvreries d'adolescentes.
Roman psychologique qui se lit comme un thriller, c'est glaçant, c'est sombre, c'est caustique mais on en redemande.
Très bien écrit.
Impossible que cela vous laisse indifférent.

Faby de Caparica - - 62 ans - 24 septembre 2020


Mon amie est mon ennemie 9 étoiles

Plus connue dans mon esprit comme chroniqueuse et femme de radio, Myriam Leroy se lance dans l’écriture en sortant un premier roman réaliste en s’identifiant à la narratrice, victime d’une amie exclusive, manipulatrice, voire violente.

De prime abord, j’abhorre les romans sans chapitre qui ne marquent aucune coupure, mais ici, en lisant les trois premières pages on est vite ferré et happé tant par le récit que par le style, on le ne lâchera plus avant la fin.

L’écriture est fluide même si on évoque parfois des périodes plus récentes à cette histoire qui se déroule chronologiquement entre 1995 et 1998. Le lecteur ne sera distrait que par quelques terminologies plus difficilement perceptibles par ma génération ou par ce qui apparaît, disons le franchement, de nombreuses vulgarités. Cela fait partie du personnage (et de l'auteur).

Ce roman est aussi très belge. Il dépeint une Province du Brabant wallon noirci, presque comme l’enfer sur terre. Je ne suis pas sûr que c’est comme cela que tout le monde voit les choses, mais cela fait partie de l’ambiance de cette histoire où beaucoup de personnages relèvent de la psychiatrie, sont maniaco-dépressifs ou sont dépeints comme des êtres falots.

Une vraie réussite littéraire, et aussi une grande curiosité sur ce que l’auteur pourra encore nous livrer de moins personnel.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 26 décembre 2018