Le camp des autres
de Thomas Vinau

critiqué par Frunny, le 21 avril 2018
(PARIS - 59 ans)


La note:  étoiles
Des "fils de rien" qui marchent sur le monde !
Thomas Vinau (1978- ) est un romancier et poète français.
"Le camp des autres" paraît en 2017 (Alma Éditeur).

"J'ai voulu écrire la ruade, le refus, le recours aux forêts. J'ai voulu construire un refuge. J'ai voulu m'enfuir avec eux. Me redresser avec eux".

L'action se déroule en France dans les années 1900-1910.
Le jeune Gaspard et son chien fuient un domicile devenu un enfer. Maltraité par un père violent.
Cette "petite tronche d'ange écrasée" rejoint la coeur de la forêt, le foyer de tous ceux qui n'en ont pas, de tous ceux qu'on ne veut pas.
Il rencontrera Jean-le-blanc, sorcier, contrebandier, un timbré ?
Jean-le-blanc qui apprivoise le venin du serpent et qui va prendre Gaspard sous son aile.
Il en fera son apprenti volontaire et lui enseignera les valeurs essentielles (liberté, respect des autres, ....)
Dans sa quête, Gaspard suivra la "Caravane à pépère", une étrange caravane d'exclus qui marchent sur le monde, s'unissent et se révoltent.Des pénitents du monde réunissant un magicien, un dynamiteur, une prostituée et tant d'autres marginaux.
Une vraie famille de fuyards affamés, prêts à prendre leur dû.

Un court et incroyable roman/manifeste.
Un plaidoyer de haute (très haute) volée pour les "sans-grades".
Une oeuvre intemporelle qui renvoie aux migrants, aux sans-abris, aux sans-papiers, aux sans-patrie; une terrible actualité.
Vinau au sommet de son art.
Dans la forêt 9 étoiles

« Gaspard et son chien s'enfuient dans la forêt.
L'enfant a peur, il a froid, il a faim, il trébuche, il se cache. Il est blessé. Un homme le recueille. »
II s'agit d'un récit d’aventures, inspiré de faits réels historiques.
Début XXème siècle, nous sommes aussi au début des brigades du tigre et déjà à l'époque Clemenceau envoyait la police contre les miséreux pour rassurer le bourgeois.
Magnifique lecture, j’avais l’impression d’être dans les bois avec eux, de faire partie du voyage.
Un bonheur simple, celui d'être ensemble…

Koudoux - SART - 60 ans - 2 février 2020


La Caravane à Pépère 6 étoiles

« La Caravane à Pépère » ? Etrange appellation, étrange concept. Qui n’est pas pour autant une invention de Thomas Vinau :

»Une arrestation d’une soixantaine de voleurs, bohémiens, trimardeurs et déserteurs fut annoncée. La bande de brigands était dite impitoyablement organisée. On évoqua les figures mythiques de Mandrin ou de Cartouche. On parla de romanichels et autres frères de bans, venant de toute l’Europe, réunis sous la bannière d’un certain Capello, qui terrorisaient et pillaient la population en se faisant appeler la Caravane à Pépère. »

Oui, c’était dans les années 1906 et 1907. Le phénomène existât bel et bien et c’est le sujet, en fait, du camp des autres, même si Thomas Vinau l’écrit explicitement à un moment du livre : "Elle est alors devenue le refuge de ceux qui se refusaient à l'homme et de tous ceux que l'homme refusait : Elle est l'autre camp. Le camp des autres."
Et de qui, de quoi parle-t-il ? De la forêt.
La forêt qui est un autre grand sujet du roman, cette forêt où Gaspard et son chien, un corniaud, battus, maltraités tous les deux par le père de Gaspard, s’enfuient.
Thomas Vinau emploie des mots et des images très fortes pour dire son amour et la considération qu’il porte à l’organisme vivant nommé forêt. Manifestement bien plus qu’un ensemble d’arbres pour lui.
Gaspard est le lien entre la forêt et la « Caravane à Pépère ». Enfui donc de la maison familiale ( ?!) avec son chien, il erre dans la forêt quelques jours avant d’être sauvé – recueilli par Jean-Le-Blanc, un improbable ermite herboriste au grand cœur – comme il en existe surtout dans l’imagination des écrivains – qui va tenter de lui apprendre la forêt, la liberté, le respect, toutes choses éminemment respectables mais que quittera Gaspard à la première occasion – la visite à l’herboriste de Capello, la tête de « la Caravane à Pépère – attiré qu’il est par Sarah, la jeune femme qui accompagne Capello. Il va la suivre et rejoindre ainsi la fameuse « Caravane » …
Le style de Thomas Vinau est indéniable. Très travaillé, au vocabulaire très riche. Trop ?
Je me souviens avoir lu déjà un roman de Thomas Vinau ; « Nos cheveux blanchiront avec nos yeux ». J’avais conclu ma critique par « … l’ai lu à toute vitesse pour finir par n’être pas sûr de ce que j’en pensais... Donc, je ne sais pas à cent pour cent ce que j’en pense! »
Hé bien, c’est un peu pareil. Partagé, je suis. Entre le style et le fond de l’histoire que raconte un roman, je considère que le fond prime et que le style est le support. Dans ce roman, j’ai l’impression que c’est l’inverse.

Tistou - - 68 ans - 21 janvier 2020


Déçue 6 étoiles

Ce livre était un de mes choix dans la catégorie « romans francophones » pour le prix CL2020 – une erreur (pour moi)… Et pourtant, j’avais aimé « Ici ça va » et « Nos cheveux blanchiront avec nos yeux ».

Ce qui m’a rebutée, c’est le style que j’ai trouvé lourd, redondant, assez prétentieux, des listes interminables. C’est trop !
Presque comme si l'auteur avait sacrifié son histoire au style…

Dans la première partie, la fuite de Gaspard (et de son chien) et la rencontre avec Jean-le-blanc, j’ai trouvé le style un peu excessif. Pour la suite, basée sur un réel épisode historique : « La Caravane à Pépère était une bande organisée constituée de nomades qui sévirent en France entre 1906 et 1907. » (Wikipedia), j’ai décroché.

Sans même parler de « la leçon de morale » du dernier chapitre…

Ludmilla - Chaville - 69 ans - 12 janvier 2020


Hymne à la liberté 9 étoiles

Gaspard fuit la maison où il vient de tuer son père. Torturé pendant des années, il ne doit sa vie sauve qu’à son chien. Meurtri par les coups reçus, affamé, épuisé, il espère trouver refuge dans la forêt, tout en transportant son chien gravement blessé par un coup de fourche.
La forêt, tour à tour lieu de vie, refuge, mais aussi lieu de mort, de dangers.
Il sera sauvé, abrité, soigné puis éduqué par Jean-le-blanc, homme solitaire qui vit de sa connaissance des herbes et remèdes de la forêt. "La forêt est une langue, une science et une œuvre d’art. Tout peut te sauver ou t’achever. Ici il n’y a pas de maître."
Quand il voit arriver des saltimbanques, il a d’abord peur avant d’être intrigué puis fasciné par cette petite troupe, et surtout la beauté sauvage et sensuelle de Sarah.
Il quittera son "maître", son chien et son refuge pour suivre puis intégrer le groupe de saltimbanques et découvrir un autre univers ; à l’opposé de ce qu’on lui a appris, une "cour des miracles" d’indésirables, de bannis de la société ; Sarah, Fata’ , Capello Zo’ et sa boîte à boum, le gitan Romani Tchavé , l’anarchiste, le général, le déserteur, les bagnards, des africains, des arabes, des bohémiens...
"Donc, il y a des gentils qui sont méchants et des méchants qui sont gentils, la vie est une coquine confuse qui se cache dans les gris, et laisse à Gaspard un drôle de sourire au coin des lèvres comme au bord des semelles."

Les premières pages relatant le calvaire, passé et présent, de l’enfant sont difficiles.
Mais dès la rencontre avec l’homme de la forêt, Le parcours initiatique du jeune garçon est passionnant et émouvant.
Peut-être un seul bémol sur les chapitres documentaires précisant la création de brigades efficaces (?) les célèbres Brigades du Tigre gâchant un peu la force romanesque de la fin.

Marvic - Normandie - 66 ans - 11 octobre 2018