Trois chevaux
de Erri De Luca

critiqué par Jules, le 22 février 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un roman court, mais bon
Dans un petit bistro d’ouvrier en Italie, à une table, est assis un jardinier en tenue de travail. Curieux…
Il lit un livre, posé devant lui, et est des plus absorbés. Pas courant un jardinier plongé dans un livre pendant sa pause repas !… Mais on verra bien vite qu’il sait ce qu’est un livre, le contenant comme le contenu. Il a un rapport quotidien et physique avec eux. Il connaît aussi la bonne technique pour arriver à lire tout en mangeant… Ce n’est pas non plus n'importe quel jardinier. Son rapport à la nature est des plus profonds, cette connaissance fait partie de ses fibres les plus profondes, la terre, les arbres, les saisons, les odeurs et les fleurs. Cet homme a souffert ! Il n'a que cinquante ans, mais quelques vies derrière lui. L'Argentine en représente un pan essentiel…
Une femme qu'il aimait, qu'il a perdue… Les dictatures militaires ne sont pas préoccupées outre mesure par l’amour… Il tente de se refaire une vie, d'échapper à un destin qui le poursuit : il se cache. Mais est-il au bout de l’amour ?… Il le croit en tout cas.
Les belles phrases ne manquent pas, comme : « Attendre. C'est mon verbe à vingt ans, un infinitif sec sans trace d’angoisse, sans bavure d’espérance. J'attends à vide. »
Il se fait un ami noir et il dit de lui : « Espèce de saint d’Afrique, pensé-je, tu viens donner ta sagesse à un sauvage d'Europe qui suit la lune sur le calendrier et les nuages d'après les bulletins de la radio, et qui ne sait lire aucun mot sans un alphabet. »
Un livre superbement bien écrit. Un reproche ? Parfois un rien confus pendant de très courts moments. Un appel à l’homme d’un homme qui a beaucoup souffert, mais reste ouvert aux êtres vrais.
Il flotte dans l'air un parfum d'absolu... 8 étoiles

Je vais faire une comparaison (peut-être) osée mais qui s'empressera de mettre en avant les différences par la suite : il y a quelque chose de durassien dans ce roman d'Erri de Luca. Si beaucoup plus poétique, plus imagé, on se retrouve tout autant dans une atmosphère épurée, brumeuse parfois floue, que j'ai pu trouver dans certains romans de Duras comme le "Marin de Gibraltar" ou les "Petits Chevaux de Tarquinia". Il a les choses derrière les choses. Un abord hermétique, une allure désinvolte et profonde en même temps, une capacité qu'ont les personnages à se comprendre malgré leur discours quelque fois énigmatique, nébuleux.

On saisit le récit comme on écouterait ce qu'il se passe derrière une porte. Des murmures, des évocations du passé, des souffles, des passions, des blessures à cicatriser, de l'espoir germant du silence des traumatismes.

Comment rencontrer à la fois une troublante intensité dans la relation à l'autre, à la nature, et à la fois cette impression de rester en flottement, de ne jamais trouver la fréquence exacte où le récit sera clair et évident?

A l'abri, derrière le voile, tout nous semble extrêmement proche et mis à distance. Une pudeur impressionniste qui pourtant met ses personnages à nu.

Quel étrange voyage que ces "Trois chevaux"...

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 16 mai 2024


Sagesse et poésie 8 étoiles

Dans ce court roman, le narrateur nous dévoile son histoire pas ordinaire. Au moment où nous le découvrons il a atteint l’âge de sagesse, il est amoureux des mots, ce qui permet, entre autres, à l’auteur de déployer son style si particulier, poétique et sensuel, une écriture que j’apprécie.

Ichampas - Saint-Gille - 60 ans - 26 avril 2015


pas accroché 4 étoiles

Erri de Luca a un style très particulier, ça fait penser un petit peu à un autre auteur italien "Alessandro baricco" et pourtant la magie de ce dernier lui manque, même si le roman n'est pas long (140 pages) je me suis pas accroché, j'ai trouvé l'histoire inintéressante, lourde, je me suis ennuyé dans la lecture.

Jaafar Romanista - Rabat - 36 ans - 29 juillet 2013


Poétique et profond 6 étoiles

Court roman dans lequel les gestes les plus terre-à-terre semblent sublimés. Le travail dans les jardins, les repas pris au bistrot en compagnie d’un livre, la rencontre avec Làila, les souvenirs en Argentine, tous ces moments sont magnifiés par le style poétique de l’auteur. On a envie de vivre cette vie intense et simple faite d’amitié, d’amour mais aussi de souffrance. J’ai souvent relu quelques passages juste pour le plaisir mais aussi parce que ce livre ne m’a pas toujours paru « évident » et c’est bien le seul reproche que je puisse faire à ce court récit

Kabuto - Craponne - 64 ans - 29 janvier 2011


Des pensées d’outre-vie …. 7 étoiles

Un personnage hanté par ses fantômes, plein de« bourdonnements intérieurs » , de « pensées d’outre-vie » qui viennent se superposer au présent . Les flashes sur les étapes antérieures de sa vie étant toujours traduits au présent , le contenu du roman devient une sorte de puzzle parfois difficile à reconstituer .

Toutefois, malgré la difficulté à me repérer dans les différentes vies du narrateur, j’ai pris un plaisir intense à la lecture de ce roman , dont l’écriture comme aérienne, sans rien qui pèse ou qui pose, transcende le contenu . J’ai même fermé le livre à regret .

Le narrateur transporte toujours avec lui un livre, dont la lecture accompagne ses repas , ce qui entraîne de jolies réflexions sur le rôle de la lecture , par exemple : « ce que doivent faire les livres, porter une personne et non pas se faire porter par elle, décharger la journée de son dos « ou sur la puissance de cette même lecture : « si moi aussi, je suis un autre, c’est parce que les livres, plus que les années et les voyages, changent les hommes »

Alma - - - ans - 11 décembre 2010


Magnifique 10 étoiles

J'ai offert ce livre à mes amis amateurs de belle littérature. Ce livre sera mon livre de chevet, c'est certain.

Commelejour - - 52 ans - 12 juillet 2008


au grand galop, j'ai chevauché deux, puis trois chevaux. 7 étoiles

C'est l'histoire d'une vie de mort ; une mort de l'homme sans âme, où l'espoir a fui devant la tyrannie des guerriers argentins.

"le vent siffle à vous user les oreilles"

Les bruits de mer où grondent les abîmes, mugissent les lourds silences.
L'homme prie face aux nuageuses grisailles amoncelées, envisageant le retour de l'accalmie entre les bras réconfortant de la belle Làila. Elle est toute à l'écoute de ce coeur malmené, fourbu : elle en oublierait presque sa vie fragile.
Tout en cultivant ses jardins nourriciers, il déterre, grâce à sa muse, les démons et les anges qui le tenaillent.
Le goût de la peur laisse en bouche un peu de déjà vu, un goût de reviens-y.
Où trouver la sérénité ailleurs que sur un rocher, auquel vous racontez la parenthèse de votre parcours ?

Bertrand-môgendre - ici et là - 69 ans - 9 mars 2006


Vivre en harmonie avec autrui et son environnement 8 étoiles

L'amour de la lecture, de la nature et des autres compose ce roman qui correspond à l'idéal de beaucoup de gens. Le héros nous apparaît alors qu'il a deux chevaux, soit deux fois la moyenne de vie de cet animal. Il a donc 50 ans. Il lui reste un cheval à vivre.
L'oeuvre s'ouvre sur ce jardinier italien, qui se rend au bistro autant pour manger que pour lire. Petit à petit, l'auteur nous entraîne dans l'univers de cet homme passionné par la lecture. Il fait d'abord un flash-back sur ses 20 ans. A l'époque, il connaît une Argentine venue en vacances en Italie. En la voyant lors d'une escalade, c'est le coup de foudre. Il émigre avec elle dans son pays régi par une junte militaire, qui sema la terre en 1982 avec la guerre des Malouines. Le destin veut que cet amour prenne fin abruptement alors que des soldats s'emparent de sa fiancée pour la jeter à la mer en la projetant d'un avion en vol. Ce couple sensible au sort de leurs semblables est forcément engagé politiquement. Le héros peut même se transformer en meurtrier pour défendre «la cause». C'est ce qu'il devient quand son ami est agressé par un militaire zélé. Son geste l'oblige évidemment à fuir l'Argentine.
A son retour au bercail, il devient jardinier pour un riche propriétaire terrien. Après l'amour, c'est celui de la nature qui l'attire. Ce n'est pas l'homme qui aime du bout des lèvres. Sa générosité est sans bornes, surtout envers ceux qui sont les plus démunis, comme ce noir qui travaille avec lui, mais en s'occupant des animaux. La communion entre tous les éléments de notre planète lui tient à coeur. Ce n'est pas un raciste. Il voit même en ce compagnon une espèce de sage qui vient allumer la lanterne du pauvre Occidental aveuglé par son savoir.
Quoi de mieux pour récompenser une âme aussi bien intentionnée que de retrouver l'amour? Pas avec n'importe qui. Avec une «montrer-du-doigt», c'est-à-dire une prostituée qu'il délivre de son proxénète en montant un coup fumeux avec son noir ami. Ainsi se boucle ce roman qui trace un idéal de vie englobant tous et chacun.
En somme, l'auteur prêche une harmonie entre les humains et l'environnement. C'est un objectif très noble qui ne peut découler que d'une vie marquée par la souffrance et par la perte de ses illusions. C'est le propre de l'homme de 50 ans, mais derrière la grandeur de son projet se profilera toujours l'ombre des peurs qui incite à l'intolérance à l'égard des différences. Même le héros a un comportement paradoxal en se faisant assassin pour faire triompher son idéal. Au moins, ce roman quelque peu incohérent donne le goût de vivre tout en satisfaisant le lecteur épris de poésie. Bref, c'est une oeuvre qui vaut davantage pour son écriture que pour son message naïf si l'on considère les frontières culturelles, économiques...

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 1 mars 2003


0 étoiles

Erri de Luca, Napolitain aux multiples racines, est un habitué des livres courts. C'est parfois très court et très intense. C'est parfois très court et franchement confus, comme le suggérait Jules. Il y a incontestablement de l'âme et du souffle et de l'émotion dans ses récits. Mais pourquoi avons-nous par moments le sentiment de nous y perdre ?

Mauro - Bruxelles - 61 ans - 26 février 2001