Chez les Yan. Une famille au coeur d'un siècle d'histoire chinoise
de Yan Lan

critiqué par Tanneguy, le 11 avril 2018
(Paris - 85 ans)


La note:  étoiles
50 ans de maoïsme...
Yan Lan, directrice chez Lazard pour la Chine a décidé de rédiger l'histoire de sa famille pendant le XXème siècle ; il y a beaucoup à raconter, d'autant qu'elle est imbriquée dans l'histoire de la Chine elle-même.

Cela commence pour elle quand, âgée de 10 ans à peine elle voit son grand-père adoré arrêté brutalement par les "gardes rouges" et emmené en détention ; elle ne le reverra pas. La "Révolution culturelle" vient de commencer et ne s'arrêtera qu'une dizaine d'années et une dizaine de millions de morts plus tard. Yan Baohang, le grand père, est un personnage hors du commun puisqu'il s'est forgé tout seul et est devenu une des sommités du gouvernement communiste de Mao, dont il est un proche compagnon. Sa petite fille va retracer son parcours ainsi que ceux des autres membres de sa famille qui seront nombreux à se retrouver en camp de travail ou à l'isolement pendant plusieurs années ! Comment peut-on expliquer cela ?

Le grand intérêt du récit est qu'il mêle la saga familiale avec les évènements dramatiques vécus par les Chinois, entre la guerre sino-japonaise, les débuts chaotiques du Kuomintang, la révolution communiste de Mao et sa victoire sur Tchang Kai Check, les cent fleurs, le grand bond en avant, la révolution culturelle, la mort de Mao, la Bande des Quatre...Avouons que nous vivions ces évènements de très loin en Occident. A Paris les étudiants se réclamaient du maoïsme et ne comprenaient pas vraiment l'objet de la "révolution culturelle". Le récit de Yan Lan apporte quelques explications sur le quotidien des Chinois...

Yan Lan semble avoir réussi sa vie, mis à part le fait qu'elle "a perdu dix ans" comme tous ses compatriotes. Il n'est pas fait mention d'une traduction et l'on peut penser qu'elle a écrit ce texte elle-même en français Chapeau ! Car malgré quelques maladresses il est facile à lire et surtout passionnant
La Révolution dévore ses propres enfants 8 étoiles

Le livre s'inscrit dans le genre Mémoires familiales et on a conscience que Yan Lan fait acte pieux en décrivant près de cinquante ans d'histoire de sa famille. Les parcours singuliers deviennent le miroir des folies s'étant déroulées lors de la Révolution culturelle et sont, pour le lecteur européen, une manière pertinente pour appréhender ces quelques années d'Histoire chinoise restées souvent pour nous peu compréhensibles.

Il est également une ode à la famille et à la formidable ténacité des femmes, épouses et mères qui, au milieu de la tempête des arrestations, des privations, permettent que le bateau familial ne coule pas, assurent la survie du plus grand nombre et veillent par le biais de l'enseignement et de l'éducation à ce qu'un avenir soit possible pour la jeune génération dont fait partie l'auteur du livre.

On ne trouvera cependant pas dans le récit de Yan Lan de véritable réflexion sur les raisons profondes qui ont permis à Mao Zedong d'éliminer ses rivaux et de consolider son pouvoir par la révolution culturelle. Nulle interrogation non plus dans quelle mesure la prise du pouvoir par le Parti communiste réalisée notamment grâce à certains de ses aïeux pouvait contenir en germe les tragédies futures. Le Grand Bond en avant, auquel la famille semble totalement échapper, n'est pas évoqué alors que le despotisme du système l'est dès que la révolution en vient à dévorer ses propres enfants:.. Mais, il faut être juste, Yan Lan n'a pas prétendu faire œuvre d'analyste ou d'historienne.

Cette remarque faite, je rejoins entièrement la critique de Tanneguy. Chez les Yan est un récit de lecture agréable, passionnant par sa véracité, que l'on recommandera à tous les amateurs d'histoire et de la Chine.

Kostog - - 52 ans - 6 août 2018