La damnation d'Edgar P. Jacobs
de Benoît Mouchart, François Rivière, Jean-Marc Thévenet

critiqué par Sahkti, le 26 mai 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La vie serait-elle une damnation ?
Qui était Edgar P. Jacobs ? On pourrait penser le savoir à la lecture de ses mémoires publiés chez Gallimard ("Un opéra de papier", 1981), mais l'auteur ne s'y est pas entièrement confié et a volontairement gardé des zones de mystère, non par pudeur, mais afin d'offrir au lecteur le visage d'un créateur tourmenté et maudit. C'est que sa vie fut loin d'être facile. Oeuvrant un moment dans l'ombre de Hergé avec lequel les relations furent parfois conflictuelles, Edgar P. Jacobs eut également beaucoup de mal avec la censure française et certains de ses contemporains qu'il estimait être des comploteurs contre lui. Sur ce point, on appréciera l'autoportrait offert par Jacobs pour les sept ans du journal Tintin, le 26 septembre 1953, dans lequel il se croque enchaîné à une table à dessin, victime de la censure du journal (Tintin est incarné par un fantôme, allusion à peine voilée à un projet de couverture du journal refusé par Hergé). On remarque la présence de Olrik, Blake et Mortimer, ainsi que de Jacques Martin déguisé en gentleman cambrioleur, tous à la poursuite de Jacobs, pendant que le téléphone sonne, que le café refroidit et que Big Ben égrène les heures.

Mouchart et Rivière ont mené l'enquête afin d'en savoir plus et leur travail regorge de témoignages, de documents rares, d'extraits d'entretiens, d'illustrations inédites, faisant de leur biographie un ouvrage de grande qualité.
L'enfance d'Edgar P. Jacobs est évoquée, son goût pour les mondes imaginaires que l'on retrouve dans ses premiers croquis enfantins, l'éducation rigide du paternel qui préférait l'orthographe au dessin et le faisait comprendre à son fils à coups de règle en fer sur les doigts.
Pour pénétrer comme il l'entend le monde de l'imagination et de la création, Edgar P. Jacobs devient acteur ; il jouera sur les scènes de l'Opéra de Lille ou du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles et épousera une artiste de music-hall. Le dessin le reprend, par nécessité alimentaire au départ, puis entièrement par envie. Le succès sera au rendez-vous, mais jamais il n'empêchera Jacobs de vivre avec ses tourments et le regret d'avoir, selon lui, gâché une partie de sa vie en se compromettant dans des oeuvres ou des boulots faciles. Une biographie qui me semble incontournable.
Une excellente biographie 10 étoiles

François Rivière est à la fois romancier, critique littéraire mais aussi un très grand biographe. On lui doit des travaux soignés sur Frédéric Dard, Agatha Christie, Enid Blyton...
Ce que j'ai trouvé merveilleux dans ce document, c'est le rendu de l'époque et les rapports entre les différents artistes (Hergé, Edgar P. Jacobs, etc). On s'y croit, on s'y voit, tout au long de ce pavé que l'on dévore doucement.
La damnation d'Edgar P. Jacobs est un ouvrage à offrir et à s'offrir. Je le recommande vivement !

Kevgallio - - 34 ans - 24 décembre 2012